Aux peuples exploités et opprimés du monde.

Déclaration publique de l’IFA. Congrès de Saint-Imier 2012, du 8 au 12 août 2012.

 

Les Rencontres internationales de l’anarchisme, qui se sont tenues à St-Imier (Suisse) du 8 au 12 août, ont permis à un grand nombre de groupes et de militants qu’ils soient membres et pas de l’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA) de se rencontrer. L’IFA voudrait résumer les événements de ces derniers jours.

 

Cent quarante ans plus tôt, dans cette ville, un mouvement international des « anti-autoritaires » a été fondé. Il a joué un rôle majeur dans la création d’un mouvement anarchiste organisé. Les anarchistes travaillaient alors pour une profonde transformation sociale et c’est de la même manière que nous avons participé en tant qu’IFA à la réunion internationale à St-Imier. Ce que nous avons à offrir est un meilleur type de société que l’humanité est capable de réaliser. Nous voulons créer un monde dans lequel il y aurait une complète égalité économique, nous entendons par là qu’il devrait n’y avoir aucune propriété personnelle, que nous devrions produire et posséder tout en commun sans avoir besoin d’argent.

 

Ainsi que l’égalité économique, il y aurait un maximum de liberté personnelle. Cela signifie que nous puissions vivre comme nous le voulons et que personne ne peut nous imposer de faire quelque chose que nous ne voulons pas faire, ou nous empêcher de faire ce que nous voulons faire, à moins que cela limite la liberté des autres. Il n’y aurait pas de hiérarchie ou d’oppression d’aucune sorte.

 

Pas besoin d’un État ou de police parce que nous n’aurions pas besoin de contrôler ou de faire pression. Il n’y aurait pas besoin de guerres ou de conflits mondiaux parce que nous n’avons pas d’ennemis politiques et n’aurions aucun désir ou besoin de nous saisir des ressources de n’importe qui d’autre. C’est ce que nous appelons l’anarchisme.

 

Les anarchistes rejettent l’idée que c’est dans la nature humaine que l’un exploite l’autre et que nous sommes inégaux. Les dirigeants et les États, à travers l’histoire, ont maintenu ce système. Ce mensonge justifie le capitalisme comme un système « naturel ». On nous dit qu’il y a une « crise » du capitalisme, mais le capitalisme c’est la crise. Il s’agit d’un système récent en termes historiques et qui a déjà mis l’humanité plusieurs fois à genoux avant de produire la situation actuelle. Mais les gens partout dans le monde ne sont pas dupes de ce mensonge et résistent aux États et au  capitalisme comme jamais auparavant. Ils cherchent à coordonner leurs efforts au delà des frontières nationales. Cela rend une société anarchiste plus que jamais possible.

 

Mais l’anarchisme n’est pas l’utopisme. Pour qu’une telle société puisse fonctionner, de toute évidence, beaucoup de choses doivent d’abord changer. Notre tâche consiste à aider à réaliser ces grandes transformations et de fournir une analyse utile. La classe ouvrière – par elle nous entendons toutes les personnes exploitées et les gens les plus pauvres – dont nous faisons partie, doit fonctionner comme un mouvement de masse. Surtout, il ne faut pas confier la lutte aux nouveaux dirigeants avec des idées anciennes mais déterminer notre propre chemin.

 

Aujourd’hui, les mouvements sociaux pratiquent de nouvelles formes d’organisation qui s’appuient fortement sur l’anarchisme en prenant directement des mesures contre les obstacles qu’ils rencontrent et en expérimentant des formes non-hiérarchiques d’organisation. La lutte contre la destruction du monde naturel et des ressources communes, les luttes antimilitaristes, les luttes contre les sommets du G8 et du capitalisme en général et, plus récemment, la lutte contre l’austérité, unissent la classe ouvrière internationale. Des mouvements d’étudiants aux mouvements « Occupy », des « Indignados » aux mouvements similaires d’auto-organisation contre le système bancaire, tous ont montré l’importance de l’utilisation de l’action directe pour récupérer l’espace public. Les soulèvements, de ces dernières décennies, des peuples autochtones opprimés, tels que les zapatistes, ont inspiré de nouveaux mouvements sociaux et ont influencé l’anarchisme lui-même.

 

Ces nouveaux mouvements ont créé de grandes assemblées afin de prendre des décisions collectives sans dirigeant. Ils pratiquent la prise de décision horizontale. Les mouvements se fédèrent, ont un statut égal sans organe de décision centralisé.

 

Mais ces tentatives sont souvent en deçà de ce qui est possible parce que tout changement social significatif exige également que nous changions en tant qu’individus. Nous cherchons à être libres et égaux en tant que personnes, mais il doit y avoir aussi la volonté, la responsabilité personnelle et l’auto-organisation. La classe ouvrière, elle-même, contient des divisions, des oppressions et des hiérarchies qui ne disparaissent pas juste parce que nous ne voulons pas avoir de règles imposées et que nous voulons être égaux. En tant que membres de la classe ouvrière, nous devons donc lutter intérieurement contre le racisme, le sexisme, contre les attitudes et pratiques patriarcales. De même, nous devons lutter contre l’idée que l’hétérosexualité est la norme, ou que les catégories clairement définies de « masculin » et de « féminin » sont « normales ». Nous devons identifier et lutter contre les discriminations et les stéréotypes basés sur l’âge ou sur l’aptitude. Jusqu’à ce que les inégalités intériorisées et le respect pour la hiérarchie soient identifiés et supprimés, nous ne pouvons pas être libres. Nous devons donc nous y opposer dans les mouvements sociaux et dans les organisations de la classe ouvrière ainsi que dans la société en général.

 

Enfin pour créer cette société libre et égalitaire, la classe ouvrière elle-même doit faire tomber les gouvernants et les capitaux. Nous appelons ceci la « révolution sociale ». Les anarchistes tentent d’instaurer au sein de la classe ouvrière la confiance en soi, de réussir le plus rapidement et avec le moins de violence possible les changements sociaux nécessaires. En nous joignant aux autres travailleuses et travailleurs, nous pouvons gagner de petites victoires. Nous faisons tout cela grâce à l’action directe et non par des réformes et des négociations avec les patrons. L’action directe signifie ne pas attendre mais prendre ce qui devrait appartenir à tous et toutes. Nous devons soutenir les luttes par l’entraide, cela signifie la solidarité concrète dans les moments difficiles. Ainsi l’entraide quotidienne démontre aux gens ce que nous voulons. Ainsi, nous pratiquons l’anarchie autant que possible dans la façon dont nous nous organisons et luttons pour prouver qu’une société anarchiste est possible.

 

Nous saluons les camarades du passé, leur travail et les sacrifices personnels qu’ils ont consentis pour l’émancipation humaine. Nous poursuivons leur oeuvre et développons d’une manière critique leurs idées afin de les appliquer à notre situation. Ils auraient salué la classe ouvrière mondiale à ce stade de son histoire car ils aspiraient à la liberté et à l’égalité réelle.

 

L’IFA a traité de nombreux thèmes au cours des 5 derniers jours, et en particulier :

La crise économique et la lutte sociale

La solidarité internationale

L’antimilitarisme

L’antinucléaire et les énergies alternatives

Les migrations

 

Sur cette base, l’IFA a relancé ses propres activités et invite toutes les personnes exploitées à lutter pour la transformation de la société, pour l’anarchisme.

 

L’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA), le 12 Août 2012

 

http://i-f-a.org

Motion anti-militariste

Motion adoptée au 9e congrès IFA, août 2012, St-Imier (Suisse)

 

De nos jours, l’armée opère avec les mêmes fonctions de contrôle social que la police et la police est de plus en plus semblable à l’armée. Dans cette situation, les villes deviennent des champs de batailles : les chars abattent les murs pour faire peur aux gens. Des drones sont partout. Perturbations sociales et crise économique signifient que les lois répressives ne sont plus des « questions d’urgence » mais sont devenues la « normalité ».

 

Les possibilités d’opposition politique et sociale ont été durement touchées. Le droit de grève est en train de s’éroder, la liberté de parole a été limitée et les lois répressives sont à nouveau utilisées. Tout cela rend la police et le gouvernement plus fort. Les lois sur l’immigration sont des nouvelles lois raciales. L’inégalité sociale est établie par la loi. Sans une réelle égalité et liberté les droits ne sont que des principes vides. Le fait que l’inégalité a été établie par la loi est le signal de l’évolution des conflits sociaux entre les pauvres plutôt que la lutte des classes.

 

La signification symbolique et réelle de ces événements est énorme. L’action du gouvernement est axée sur la lutte contre l’immigration mais vise également les droits formels (la parole, la presse, l’association). C’est ce qui se passe dans nos villes. Un comportement social normal comme boire une bière ou parler à haute voix dans les rues est considéré comme un crime. De nombreux hommes armés sont dans les rues pour faire respecter ces interdictions. La plupart des gens pensent maintenant qu’il est « normal » d’avoir l’armée dans les rues. Une société en guerre établit le couvre-feu, restreint la liberté formelle et dépeint ceux qui luttent contre cet assaut comme des traîtres.

 

La répression, quant à elle, rencontre consentement. Pendant des années les médias ont provoqué la peur et l’insécurité, à la fois amplifiée par la crise économique et la précarisation des conditions de travail. Les journaux et la télévision ont « construit » des images de pays attaqués par la criminalité et les immigrants dépeints comme hors la loi, cachant les problèmes de la vie réelle.

 

Guerre interne et externe sont les deux faces d’une même médaille. C’est une guerre, ou plus exactement champs de bataille, connue sous le nom « maintien de la paix » ou « guerre humanitaire ». La tenue de la paix sociale est l’extension des activités commerciales du capitalisme. Dans les rues de la ville et les banlieues ouvrières, la police et l’armée expérimentent de nouvelles méthodes de répression sur nous. La répression est l’autre côté de la médaille de la mondialisation néolibérale. La dynamique gouvernementale force les États à utiliser la force pour régler les problèmes sociaux.

 

L’immigration en provenance du sud vers le nord a ouvert un nouveau champ de bataille qui change la situation dans le monde, affectant la guerre des classes et mettant les droits de l’homme en question. Sous le prétexte de l’immigration des travailleurs, les gouvernements ont fortement attaqué les droits des travailleurs natifs qui ont été obtenus qu’après des années de durs combats.

 

Les gouvernements européens ont également utilisés les droits des femmes comme prétexte pour mettre en évidence le « choc des civilisations » entre « démocratie » et fondamentalisme islamique. Les journalistes choisissent quel « crime d’honneur » ils mettent en première page, en oubliant que la vie quotidienne de nombreuses femmes autochtones sont tuées par leur amant autochtone. De l’autre côté, il y a un manque de protection pour les victimes de la violence. Les murs et les chaînes qui lient les immigrés commencent à se lier avec chacun d’entre nous.

 

Que pouvons-nous faire pour bloquer ou au moins mettre des obstacles sur la voie de ce système militariste ? Nous savons que c’est un travail long et difficile. Nous avons différents outils à notre disposition. Aucun d’entre eux ne peuvent garantir le succès, mais ensemble ils peuvent combattre le système.

 

Lutte économique, le passage à une grève générale (lutte contre le militarisme à un niveau différent de celui des militaires). Boycott et sabotage là où c’est possible, des armées, des usines et tout ce qui est lié. Propagande anti-militariste : expliquer les liens entre le militarisme et les coupes dans les services publics, les coupes dans l’éducation et aux soins de santé. Mais les dépenses militaires en hausse. Faire également le lien entre la militarisation et la destruction écologique.

 

 

L’exploitation et l’immigration

Motion adoptée au congrès de l’IFA, Carrare (Italie). 4-6 juillet 2008

 

Le capitalisme et l’État profite de la situation économique mondiale une bonne excuse pour attaquer les travailleurs et accroître l’exploitation. Et ceci malgré le fait que la crise est une conséquence de leur manière de maximiser les profits. La répression des immigrés, la hausse des prix, le gel des salaires, le licenciement de nombreux travailleurs, la nouvelle législation contre les droits des travailleurs proposée par l’Union européenne, les guerres et le soutien apporté à l’énergie nucléaire ne sont que différents aspects d’une même attaque. Cette attaque se fait avec la collaboration des partis politiques, syndicats officiels et institutions caritatives qui sont complices de cette situation.

 

Ceux qui offrent une résistance radicale à cette situation, y compris les anarchistes, sont considérés comme des « anti-sociaux » voire des « terroristes » par les gouvernements et les médias, la machine à faire l’opinion publique du système.

 

Les fédérations membres de l’IFA croient que nous devons faire face à cette situation en exposant et en défiant tous ceux qui exécutent ces attaques et en renforçant l’organisation des opprimés et des exploités.

 

 

Le nationalisme

L’attrait pour le nationalisme est basé sur une confusion entre deux tendances différentes :

 

1. Une affinité avec ce qui est familier (par exemple, la façon dont nous communiquons, non seulement la langue mais aussi l’accent, le langage corporel, etc.), les traditions et l’environnement physique... en bref, ce qui nous attache à notre enfance.

 

2. Une prétendue nécessité d’une plus grande autorité afin de contrôler la vie des gens. La croyance en l’idée que sans la puissance d’un prêtre, d’un roi ou d’un chef politique, les êtres humains commencent à s’entre-tuer.

 

L’attrait pour le nationalisme réside autant dans cette identification avec le familier que dans les idées d’État-nation. Ainsi, une chose avec laquelle les gens naissent devient une nécessité par ceux qui sont au pouvoir dans les institutions autoritaires.

 

Historiquement, le nationalisme est une idéologie qui se développe en même temps que l’État moderne. La symbolique nationale, et le sentiment qu’il produit, est utilisé pour justifier le contrôle étatique sur la propriété et le contrôle militaire de la libre circulation des personnes. Comme l’Église au Moyen-Age, l’idéologie nationaliste sanctifie une structure hiérarchique de domination et défend la répression de la criminalité au nom de la sécurité internationale. Le nationalisme est une construction sociale qui a toujours été utilisée pour nier les différences réelles dans une société de classes. Une des conséquences du nationalisme est qu’il crée la haine entre les peuples, et a donc été utilisé pour diviser le mouvement social international. Comme par le passé, le nationalisme, le militarisme et le fascisme, ont servi d’instrument pour le capital de l’État pour diviser les gens et à stimuler l’endoctrinement dans l’ordre et la hiérarchie.

 

Aujourd’hui, se produit une transformation politique et économique majeure. Le capitalisme doit mettre la main sur de nouveaux marchés et de nouveaux territoires. La mondialisation crée un conflit entre les grands blocs : les États-Unis, la Chine, l’Europe et l’Inde. Quand le conflit économique n’est pas assez important, on utilise les outils classiques du capitalisme, comme une guerre étrangère ou la guerre interne. La guerre à l’étranger est manifeste en Afghanistan et en Irak.

 

La guerre interne est effectuée par la police et d’autres corps répressif de l’État d’une part, et par les groupes néo-fascistes ou néo-nazis de l’autre. Cela signifie souvent que les anarchistes sont obligés d’investir beaucoup d’énergie dans les activités antifascistes. Nous souffrons également d’une limitation de à notre liberté face à la répression accrue des mouvements sociaux. La situation est encore plus grave que dans le passé parce que des armes plus dangereuses ont été développées et parce que les nouvelles technologies peuvent plus facilement suivre nos activités.

 

Dans cette situation, nous avons développé une solidarité concrète, en renforçant et en étendant les valeurs d’égalité. Il est nécessaire de continuer à bâtir une culture libertaire et de diffuser les idées d’une organisation non-hiérarchique. Il est également important de renforcer la solidarité entre camarades du monde entier. Dans certains pays, la situation est à ce point critique pour les anarchistes que nous devons réfléchir à des stratégies spécifiques pour les aider.

L’anarchisme est athée

Motion adoptée au congrès de l’IFA, Carrare (Italie). 4-6 juillet 2008

 

 

Le concept de Dieu est un concept autoritaire. Pour cette raison, nous rejetons à la fois les institutions et les croyances religieuses. La religion rend la population soumise et détruit la liberté de pensée et d’action. Ainsi, elle constitue une forme de contrôle social et a été utilisé à travers l’histoire pour soutenir l’exploitation et maintenir le pouvoir.

 

La religion c’est la guerre. La religion a été utilisée, et l’est toujours, pour justifier les actions les plus barbares et les plus brutales de la classe dirigeante en vertu des principes « moraux » tels que toute action, aussi inhumaine soit-elle, peut être justifiée par un appel au concept imaginaire de « bien ».

 

Cependant, parfois, la religion semble être une force radicale de changement social qui, en cas de succès, reconstruit les mêmes structures d’oppression que celles qui ont été détruites. En raison de sa nature autoritaire, elle contient en germe l’oppression à venir : ce qui signifie que toute approche qui tend à justifier une vision de la société fondée sur des facteurs externes à la vie, à l’expérience et la connaissance entre en conflits avec notre vision de monde.

 

Dans toute religion la vision dogmatique de la réalité tend à mutiler l’individu de sa liberté de pensée et de ses capacités critiques, en le plaçant dans une situation de subordination qui permet de réduire ses libertés fondamentales.

Cette manifestation du caractère autoritaire et répressif de la religion dans la société alimente et justifie la censure des pouvoirs dans certains domaines, par une propagande de criminalisation, et conduit à la répression sociale et pénale, qui peut aller jusqu’à l’élimination physique de ceux qui ne sont pas d’accord.

 

La prise de pouvoir sur l’individu, et par conséquent sur la société, est exercé subtilement, avec une attention particulière aux personnes vulnérables, du fait de leur âge, de leur ignorance ou de leur situation émotionnelle.

 

Le but de perpétuer leur contrôle sur la société est réalisé en appliquant des stratégies diverses de conditionnement adaptées aux différents milieux socio-culturels.

L’instrument fondamental de cette stratégie est le contrôle des fonctions sociales éducatives exercé à travers la prétention à gérer le système scolaire et éducatif, afin d’empêcher le développement de la pensée critique et l’ouverture à la diversité.

 

Le caractère autoritaire et dogmatique de la religion se manifeste dans la création d’organisations hiérarchiques.

Ces organisations assument des fonctions de représentation des fidèles et là où elles réussissent à s’imposer, constituent des formes politiques théocratiques et totalitaires.

Même lorsque l’institution religieuse ne parvient pas à dominer, elle nourrit et soutient le pouvoir politique, s’alliant avec lui afin de mieux le conditionner. Cela fait du phénomène religieux l’un des piliers du système autoritaire.

 

Les privilèges dont jouissent les institutions religieuses découlent de cette position de pouvoir.

L’union avec le pouvoir en place fait des religions « majoritaires » l’expression des forces conservatrices. Ceci est couplé avec la nature obscurantiste de la pensée religieuse. Ces phénomènes peuvent conduire à des mouvements de nature nationaliste et xénophobe. La logique de la religion et du nationalisme, à la fois séparément et ensemble, ont eu à travers les siècles un pouvoir d’oppression sur la vie des hommes et des femmes.

 

L’alliance et la fusion entre le trône et l’autel est l’une des raisons de l’émergence d’un cléricalisme qui se développe.

 

Parmi les nombreux préjugés qui proviennent des religions de référence le principal est celui qui met en évidence les classifications de genre et détermine leurs fonctions sociales spécifiques.

Cela a constitué les dogmes et les tabous qui nient la liberté sexuelle et qui ont tendance, en particulier, à reléguer les femmes à un rôle subalterne. Les attitudes sexophobes, homophobes et patriarcales qui en découlent sont fondées sur ces dogmes.

 

Les femmes sont les premières victimes des religions, ainsi que les comportements affectifs qui ne se conforment pas aux croyances religieuses.

 

C’est pourquoi l’anticléricalisme est de plus en plus actuel et peut devenir un champ de bataille pour la liberté et la justice sociale ; lutte qui n’occulte jamais, mais accompagne les luttes anarcha-féministes et toutes les autres luttes pour l’émancipation.

 

Les fédérations sont encouragées à considérer important le soutien aux protestations populaires qui répondent aux visites des hiérarchies religieuses à des fins de propagande.

 

Il est également proposé une journée internationale de lutte contre les religions.

 

Analyse et évolution du mouvement anarchiste international

Motion adoptée au congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes. Besançon, 9-12 avril 2004

 

Le Congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA) réuni à Besançon réaffirme que l’anarchisme est toujours la réponse actuelle et adéquate aux problèmes sociaux du monde entier. L’anarchisme, si il veut s’intégrer dans son environnement, ne doit pas oublier qu’il est en constante évolution avec la réalité sociale et qu’il doit définir sa stratégie et son action pratique en conformité avec cette réalité. L’oppression et l’exploitation ne connaît pas de frontières : le problème social ne peut être résolu qu’au niveau mondial. Pour cette raison, les anarchistes organisés ont été équipés d’un support approprié : l’Internationale des Fédérations anarchistes.

 

Nous considérons unanimement que l’IFA ne peut être une fin en soi. C’est un outil de coordination pour la lutte et, par conséquent, elle doit contribuer à fédérer l’ensemble du mouvement anarchiste international. L’augmentation du nombre de membres de l’IFA, et l’émergence de nouvelles réalités qui voient avec intérêt les propositions de l’IFA, sont un signe de la vitalité de l’anarchisme social et organisationnel. L’IFA est une organisation fédéraliste, dont la vitalité réside dans les groupes locaux, dont le développement autonome est une garantie de la liberté et la capacité à développer des luttes efficaces sur le terrain, où chacun trace le chemin qui lui semble le plus en résonance avec le développement des idées anarchistes au sein de la réalité sociale où il travaille. L’impulsion donnée à l’anarchisme par l’émergence de nouveaux mouvements sociaux et culturels a produit, sans doute, un accroissement à la fois de la quantité et de la capacité à organiser des initiatives anarchistes, même si cela ne s’est pas toujours traduit en objectifs clairs et en pratiques libertaires. Cela montre aussi la persistance de groupes nihilistes manquant de projet politique, et le retour de pratiques réformistes et de collaboration avec les organismes de domination. Nous pensons que les organisations anarchistes doivent préfigurer la société future : nous ne pouvons pas cesser de critiquer le principe de la majorité et sa conséquence, la logique électorale, critique qui a été centrale dans l’anarchisme, depuis sa source, lors du congrès de Saint-Imier en 1872. En renforçant nos liens, nos échanges, notre coopération avec les différentes organisations anarchistes, en accord avec le pacte associatif de notre Internationale, nous pouvons construire un anarchisme plus en phase avec le monde contemporain.

 

Nous réaffirmons l’importance de développer des pratiques autogestionnaires et horizontales éloignées de toute conception avant-gardiste, étrangère à l’anarchisme social et organisationnel. L’émancipation des exploités et des opprimés sera l’œuvre des exploités eux-mêmes. La cohérence entre moyens et fins n’est pas seulement une question éthique fondamentale, c’est aussi le signe distinctif d’une organisation sociale libertaire .

 

Cette analyse nous conduit à adopter une attitude ouverte et constructive à l’égard des composantes du monde IFA mouvement anarchiste.

 

Analyse de la situation mondiale. La guerre permanente comme un paradigme de la domination étatique et capitaliste

Motion adoptée au congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes. Besançon, 9-12 avril 2004

 

Aujourd’hui, la logique de domination et de profit conduit à l’affrontement de tous pouvoirs entre eux, unis seulement par la volonté d’appauvrir, humilier et massacrer les classes inférieures. Par ailleurs, les mécanismes idéologiques du temps – même le néolibéralisme qui prévaut partout – sont relativement mineurs dans la mise en scène d’une confrontation féroce pour la domination du monde, où les objectifs sont la survie immédiate et l’annihilation de l’ennemi à tout prix, même au prix de la destruction de la possibilité de vie sur la planète. Ces dernières années, nous avons assisté à la confirmation du paradigme de la « guerre permanente ». Énoncée après les attentats spectaculaires sur le Pentagone et les Twin Towers, elle a été affiné dans la période suivante en définissant un régime qui place la guerre comme un élément constant du paysage politique. Le prétexte de la « guerre contre le terrorisme » est devenu la clé maîtresse pour une politique de guerre visant à imposer la raison des plus forts au détriment des « règles » du droit international, parvenant par là-même à la conclusion ultime d’interdire toute fonction résiduelle de médiation à l’ONU. La guerre permanente, préventive, globale, n’est pas autre chose que la dernière formule pour assurer la domination du plus fort, confirmant la « raison » de l’exploitant, asservit et opprime la majorité de la population de la planète. Ces « raisons » sont définies en fonction des espaces de jeux, elles sont évidentes bien que méconnues dans le domaine de la propagande. La principale est de contrôler les sources d’énergie (pas seulement le pétrole, mais aussi l’eau et les minéraux nécessaires pour les technologies de contrôle des autorités civiles et les satellites militaires) et les voies de communication pour s’en assurer l’approvisionnement.

 

L’instrument de la guerre, utilisé dans les domaines cruciaux pour les intérêts américains, leur garantit une primauté dans la sphère économique en Europe, Japon, Russie, Inde et Chine qui, en revanche, n’ont ni les capacités militaires ni l’autonomie nécessaire pour faire face aux prétentions hégémoniques de Washington. En effet, une clé possible de compréhension de l’escalade guerrière de ces dix dernières années passe par la transformation des ambitions des « alliés » historique des États-Unis parmi tous les objectifs secondaires de la folie belliqueuse de l’administration américaine.
Les pays européens ont pris, ces dernières années, le rôle de plus en plus difficile et ambiguë de « partenaire-concurrent » des États-Unis et de sa politique de guerre. Manquant de la force militaire de choc et de capacité efficace de coordination politique, les pays de l’Union européenne sont tiraillés entre la création d’un pôle militaire et l’accompagnement, en tant que clé de compétence, de la politique de guerre américaine. La propagande du démocratisme européen qui vise à revendiquer la construction d’un pôle alternatif à l’impérialisme américain semble bien ridicule.

 

De guerre humanitaire à la guerre permanente

La fin de la guerre froide a représenté un changement majeur, non seulement parce que d’un monde bipolaire, on est passé à un autre mono-polaire, mais aussi parce qu’il a imposé l’obligation de redessiner l’image de l’ennemi. En effet, avec la désintégration de l’« empire du mal », il est impossible de voir l’ennemi comme quelqu’un qui menace votre existence, capable de déployer une puissance militaire qui provoque la destruction de la planète et de l’humanité. Des deux caractéristiques de l’ennemi, être mauvais et d’être une menace directe, la seconde avait diminué à présent que rien ne semblait constituer un danger pour la seule superpuissance. Il n’était pas possible pour les États-Unis et ses alliés de présenter la guerre comme une excuse défensive contre une menace mortelle. Dans cette perspective, un nouveau paradigme a progressivement redessiné la guerre, une conception renouvelée du rôle et du fonctionnement de la machine militaire, qui de toute manière, sinon à se voir désavouée, devait redimensionner son propre fonctionnement. Ainsi s’ébauche la logique de l’ingérence humanitaire qui, entrant en conflit avec le vieux principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays, l’a curieusement acculé. Ainsi l’intervention humanitaire devient le parfait alibi, toujours disponible mais jamais défini avec précision en droit international. A une ingérence humanitaire qui est invoquée pour justifier la guerre au Kosovo, on oppose le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures dans des cas tels que le massacre en Tchétchènie et dans la guerre contre la population kurde, sans parler du conflit de plus en plus cruel entre la Palestine et Israël. Le paradigme de la « guerre humanitaire » fait resurgir la question de la guerre « juste », la guerre menée pour imposer une vérité, un ordre, une vision du monde. Une sale guerre, car son alibi ce sont les victimes et les réfugiés parmi la population civile et parce qu’un tel alibi nécessite toujours plus de personnes tuées, torturées, violées, plus de personnes sans abri et sans espoir, simples pions étonnés d’une partie qui se joue à distance. Cet alibi est encore peu utile, car la motivation nécessaire pour récolter le consensus parmi la population des pays occidentaux, en particulier aux États-Unis, pour conduire des opérations militaires « humanitaires » se trouve limitée par l’échec évident des objectifs énoncés du conflit.

 

La guerre « humanitaire » a montré, avec des preuves solides, qu’elle était un mécanisme pervers qui accentue les maux qu’elle est censé guérir, mettant en scène un véritable drame, dans lequel la douleur, le sang et la destruction sont le décor obscène que l’on cache aux yeux des téléspectateurs, ce qu’il y a derrière les scènes, l’espace sombre dans les coulisses de l’émission. Le 11 septembre [2001] a apporté l’occasion, peu importe qu’elle ait été directement favorisée ou exploitée de façon indigne, d’exécuter le saut nécessaire qui a donné des ailes à la vocation impérialiste des États-Unis, toujours déterminé à jeter dans l’équilibre des relations internationales son incontestable supériorité militaire. L’image de l’ennemi est redessinée : le mal, voire le mal absolu, capable de toucher directement et gravement le territoire des États-Unis et de leurs alliés. Elle ne coïncide pas avec une organisation d’État, mais a la possibilité d’infiltrer, diriger, contaminer et de s’allier avec tous les États qui ne sont pas disposés à accepter le leadership des États-Unis. Cet ennemi ouvre la porte à une guerre permanente contre les États considérés comme « mauvais » et contre ceux qui, même de l’intérieur, menacent l’ordre mondial. Cet ennemi prend l’image de l’intégrisme islamique. Le fondamentalisme islamique permet de redimensionner, selon l’opposition classique ami-ennemi, le concept de la civilisation occidentale. C’est un concept « vide » qui se définit dans l’opposition, puisqu’il n’a pas de sens ni d’identité. Il se cristallise en fait autour du christianisme conservateur, à la fois catholique et protestant, autour du libéralisme le plus nihiliste, toutes les formes traditionnelles du nationalisme, du racisme, du populisme et de la culture démocratique. Dans cette guerre, qui, dans sa version la plus récente peut être encore « préventive », l’ennemi ne doit pas « démontrer » dans les faits sa nature mauvaise, mais doit être combattu car il « est » mauvais. La question autour de laquelle est construite la « justification » de l’attaque sur l’Irak est en ce sens exemplaire. La possession présumée d’armes de destruction massive devient une raison suffisante pour déclencher la guerre. Le déséquilibre entre la personne qui a attaqué (et qui possède des armes de destruction massive) et celle qui est attaquée se place sur le terrain de la « guerre juste », qui est faite parce que l’ennemi est mauvais et potentiellement dangereux. Il est mauvais et donc l’allié naturel du terrorisme qui tue des femmes, des enfants, des personnes sans défense. Peu importe que cette définition puisse s’appliquée à la politique des États-Unis et de ses alliés. N’est-ce pas le but de la guerre d’établir la terreur parmi la population de l’État pour affaiblir la résistance des ennemis ? Le caractère immoral de la guerre nous rappelle le caractère immoral des États et l’incapacité de penser à un véritable ordre mondial juste tout simplement en réformant la structure.

 

Guerre interne et guerre externe

Le paradigme de la « guerre permanente » provoque des victimes non seulement parmi la population des États « mauvais », mais aussi parmi les opposants à l’ordre établi. Les pacifistes, antimilitaristes, les travailleurs en lutte, les anti-racistes, sont assimilés à des terroristes dans une opération de propagande qui rappelle les accusations de « collaboration » avec l’ennemi promulguées contre ceux qui n’acceptaient pas la logique de guerre, du militarisme, des États.

 

Aux États-Unis de la promulgation du Patriot Act (qui a permis à la détention extrajudiciaire de simples suspects, en plus d’une militarisation de la vie sociale américaine) est le signe certain que la politique de guerre sans fin imprègne même le cœur la plupart des puissances.

 

Les politiques de prévention au cours des dernières années ont vu croître, à l’échelle mondiale, les mesures répressives dans le domaine d’un « front intérieur », qui se traduit par la discipline imposée aux travailleurs, aux sans-abri et aux immigrants et par le musellement de toute opposition.

 

Guerre interne

Les modalités de la guerre interne ont changé à la suite de la désintégration du communisme soviétique. La disparition d’une « alternative » au capitalisme privé permet à l’État de présenter le capitalisme comme le seul moyen pour l’avenir, réduisant ainsi la menace d’une révolte populaire. Le capitalisme, toujours avec l’appui des États, a commencé une attaque progressive des gains modestes des travailleurs qui ont caractérisé le modèle social-démocrate. Le « reaganisme » et « thacherisme » ont délibérément attaqué ces conquêtes, et cela est devenu un symptôme permanent du système après la chute du régime soviétique. L’offensive néo-libérale se déchaîne sur de nombreux fronts. La précarité des relations de travail a détruit la stabilité des relations entre travailleurs qui avait permis le développement de formes collectives d’auto-organisation et de lutte. Sous couvert de modernisation et de gains, des secteurs traditionnellement exclus de la logique capitaliste ont été ouverts à l’exploitation. La santé, l’éducation, les transports, les communications, les services publics en général ont commencé à être privatisés. La réaction face au front ouvert par le Capital contre l’humanité a déclenché une réponse globale de la classe ouvrière, soit une hausse des grèves et des luttes. Le mouvement anarchiste a toujours été présent dans ces luttes et son influence s’est renforcée en maintenant des initiatives audacieuses et en clarifiant la nature de l’économie mondiale en cours. Notre résistance doit être aussi globale que le capital. Guerre interne et guerre externe forment un seul et même front et sont conduites avec la même détermination et la même férocité. La militarisation de la vie sociale à travers des procédures qui transgressent les limites de la « normalité » démocratique, sans répercussions excessives sur le terrain des conflits internes, a été rendue possible grâce à la vaste opération d’anesthésie déclenchée par le « choc » terroriste. La peur est un puissant vecteur qui favorise la criminalisation de toutes les formes de troubles sociaux, aussi petits soient-ils. Les projets de loi de sécurité récemment adoptée en France et en Grande-Bretagne sont des exemples de cela, car ils assimilent le terrorisme à tous les luttes sociales qui se produisent en ce moment dans ces pays.

 

Mondialisation des luttes

Les soi-disant mondialisation économique n’est une autre chose qu’une nouvelle étape dans le développement capitaliste, car elle cherche à élargir et à rendre les tentacules de l’exploitation encore plus efficace à l’échelle planétaire. Pour nous, la mondialisation doit signifier la mondialisation de la lutte des classes.

 

A l’intérieur du mouvement altermondialiste, comme cela est montré par les médias, il y a des chrétiens, des marxistes, des sociaux-démocrates et d’autres groupes réformistes qui ont trop souvent collaboré avec le capitalisme pour rendre la mondialisation plus forte. Ce sont souvent les mêmes groupes qui œuvrent pour le développement du capitalisme dans le Tiers-monde, en interférant dans la vie des communautés et en les poussant à détruire leur propre identité et l’auto-suffisantes économies. Les migrations qui en découlent des sociétés les plus pauvres constituent une main-d’œuvre pas cher dans le « Premier Monde », faisant baisser les coûts globaux. Un monde dans lequel les immigrants sont définis comme des « clandestins », leur liberté et leur dignité humaine niées, cela en raison de l’absence d’un morceau de papier. Face à cela, l’IFA ne peut s’empêcher de garder son identité et ses objectifs : l’autogestion généralisée de la société, l’abolition de la propriété privée et la construction d’une société anarchiste. Il est donc très important que nous soutenions les mouvements anarchistes dans les pays les plus pauvres, en ouvrant des espaces de communication autonome et de connaissances, au-delà des mass-médias du système, en tant que première étape vers une implantation plus répandue de l’anarchisme.

 

Environnement

La production capitaliste a conduit à la déclaration d’une guerre contre la vie elle-même ; une guerre qui menace la survie de la planète entière. Ceci se passe sur deux fronts. Le premier est le pillage des ressources, la pollution et la dévastation de l’environnement, conséquences de la production capitaliste. Ce système ne tient compte que des bénéfices, ignorant le fait que les êtres humains font partie de l’écosystème et que personne ne mange ou respire de l’argent. L’autre front est celui du développement technologique qui suit l’ordre du jour des pouvoirs. D’un côté, il y a l’énergie nucléaire, qu’elle soit civile ou militaire, ce qui peut conduire à une mort lente radioactive ou à une destruction dévastatrice. D’autre part, la manipulation génétique colonise la vie, en pillant les savoirs traditionnels. Le devoir des anarchistes est d’être du côté de ces peuples qui luttent ces agressions.



Contre l’ordre moral et la religion

Chaque forme de croyance institutionnalisée est hiérarchique et autoritaire, en essayant d’imposer ses propres règles morales sur chaque personne. Les anarchistes sont fermement opposés à tous les systèmes de croyances. En prétendant représenter un monopole sur les valeurs morales, les religions essayent subtilement de s’immiscer dans la vie privée des individus. Les religions menacent leur autonomie, niant leur capacité à résoudre directement leurs propres problèmes. Ceux qui croient en un paradis à venir ne feront rien pour obtenir de meilleures conditions maintenant ! Les guerres de religion ont toujours été faites au nom d’un Dieu, tout en cachant les ambitions de domination et de conquête, très évidentes dans les relations étroites entre les Églises et les États. Les anarchistes s’opposent à toutes les religions : chrétienne, musulmane,... ainsi que toutes les autres. Notre profonde considération pour la liberté personnelle ne nous empêche pas de nous opposer aux croyances religieuses et à toute forme de hiérarchie. En plus que de s’attaquer à l’autonomie individuelle, il y a aussi la prolifération de règles qui érodent la liberté, principalement, des femmes et des minorités sexuelles. Ces règles, qui dans de nombreux cas sont également acceptées par les secteurs soi-disant laïcs de la société, marquent la réaffirmation d’une éthique religieuse et conformiste. Elles apportent également un renforcement au patriarcat, qui est combattu par les anarchistes comme le sont toutes les formes de domination.

 

Aspects de la domination et de l’exploitation mondiale

La mondialisation du capitalisme et la mise en place d’organisations étatiques supra-nationales (FMI, Banque mondiale, etc.) ne sont pas faites pour satisfaire les besoins de l’humanité. Elles ne sont pas non plus conçues et structurées pour être contrôlées par la population mondiale.

 

Au plan économique, ce système est tenu par un nombre de plus en plus restreint d’entreprises formant des oligopoles : les multinationales. Ce sont ces dernières qui orientent et gèrent le système économique mondial, bien évidemment pour en tirer le maximum de profits.

 

Pour ce faire, elles s’appuient sur la capacité de contrôle social, militaire, policier et religieux des États et sur le contrôle idéologique exercé par les médias. Ces différents contrôles garantissent en fait la stabilité politique, donc la stabilité économique.

 

La mondialisation du capitalisme est la poursuite à l’échelle mondiale du mouvement séculaire de concentration du capital inhérent à tout système concurrentiel. Nous assistons aujourd’hui à une croissance globale des échanges commerciaux et financiers sur la planète. Toutefois cette croissance globale reste en partie au moins du domaine du virtuel, ne concernant que les titres de propriété financiers (obligations et actions) et les monnaies.

 

On constate en effet une certaine déconnexion entre d’une part des échanges financiers organisés à l’échelle de la planète et d’autre part, des échanges commerciaux et un système productif plus ou moins structurés à l’échelle continentale. Ceci révèle les tensions concurrentielles existant à l’échelle planétaire pour le contrôle de la production et des échanges. Par ailleurs, cette économie de "casino" nous fait passer d’un capitalisme à crises de production plus ou moins cycliques à un capitalisme de crise permanente.

 

Loin d’aboutir à un système monolithique, à la constitution de quelques super-entreprises fordistes, ce mouvement s’est doté d’une structuration extrêmement flexible et mouvante. La montée en puissance des holdings va de pair avec un fort développement des petites et moyennes entreprises. Ceci ne signifie pas que l’on assiste à la mise en place d’une économie à deux niveaux. De la plus petite des entreprises jusqu’à la holding la plus puissante, des liens existent, mais comme il se doit dans le système capitaliste, ces liens sont des rapports de domination et d’exploitation.

 

Le système économique actuel est un système d’exploitation en cascade. Ce mécanisme encore une fois n’est pas nouveau. Il avait déjà été mis en relief par Elisée Reclus à la fin du xixe siècle à propos de l’exploitation coloniale des Indes par les capitalistes britanniques via les maharadjahs hindous. En fait, le système capitaliste se fonde sur une fine hiérarchisation des statuts sociaux et des revenus.

 

La mondialisation du capitalisme ne réduit en aucune façon les écarts entre zones géographiques et entre classes sociales. Loin d’unifier la planète et la société dans une mythique société de consommation et une hypothétique classe moyenne, la mondialisation du capitalisme génère en fait une fragmentation sans précédent entre espaces géographiques et entre classes. Elle accentue les inégalités économiques et sociales, accroît le nombre de prolétaires et les paupérise de plus en plus.

 

En définitive, la mondialisation du capitalisme génère un système d’exploitation complexe, généralisé à l’ensemble de la planète, fondé sur des rapports de classes et de pouvoir, opposant le prolétariat (ceux qui n’ont que leur force de travail) à la bourgeoisie (ceux qui possèdent et contrôlent les moyens de production et d’échanges), mais aussi les prolétaires entre eux et différentes factions de la bourgeoisie entre elles.

 

Incontestablement, les bourgeoisie de la triade (Amérique du Nord, Europe occidentale et Asie du Sud-est) dominent actuellement le système capitaliste mondial. Elles exploitent l’ensemble de la planète en fonction des profits qu’elles peuvent en tirer. Toutefois, pour atteindre ce but, elles ne sont pas seules face au monde. Elles s’appuient au contraire sur un réseau étoffé de bourgeoisies locales présentes dans tous les pays, ceux de la triade comme ailleurs.

 

Cette hiérarchie globale n’est pas déterminée à jamais. Les rapports de force existant au sein des différentes strates de la bourgeoisie ne sont pas figés pour toujours. De nouvelles bourgeoisies peuvent émerger tant au niveau local qu’à l’échelle internationale. Dans ce dernier cas, elles s’incorporent simplement aux oligarchies existantes. Elles deviennent pour un temps les nouveaux maîtres du monde.

 

En définitive, en ce qui concerne la situation mondiale, nous pensons qu’il est très important de souligner les points suivants :

 

La compétition économique mondiale et le rétrécissement des marges de manœuvre des entreprises s’accentuent parallèlement en provoquant la détérioration des conditions de vie des classes sociales prolétarisées, pauvres ou marginalisées partout dans le monde. L’inégalité sociale s’accroît, y compris dans les pays dit développés. Dans la situation actuelle, le maintien du système capitaliste dépend de plus en plus de la consommation de la marchandise guerrière, des guerres et encore des guerres. Malgré la mise en place d’instances supra-étatiques (Union Européenne, ALEAN, ASEAN, etc.), le développement de l’idéologie et des politiques nationaliste, militaristes, et racistes est un besoin vital du système capitaliste dans sa période actuelle pour diviser et mettre en concurrence le prolétariat de la planète. La dépendance dans laquelle se trouvent toutes les régions de la planète vis-à-vis du marché capitaliste mondial et le niveau de centralisation atteint par l’économie capitaliste ont transformé le nationalisme "révolutionnaire" tiers-mondiste en un simple instrument de luttes inter-impérialistes. Dans cette période de totalitarisme démocratico-marchand, on assiste à une dérive complète des différents courants du "socialisme" autoritaire ou étatique (la droite et la gauche se confondent et sont interchangeables) et à la transformation des syndicats bureaucratico-réformistes en instruments d’application des plans répressifs des gouvernants et des capitalistes. C’est-à-dire en instruments de la contre-révolution. Les syndicats réformistes, reprenant en cela le rôle ancestral des religions, en viennent à gérer seuls ou avec ces dernières l’assistance sociale publique, c’est- à-dire une partie du contrôle social. Nous devons faire une critique radicale, en réfutant le modèle syndical imposé par les États, en nous basant sur une propagande qui les dénonce constamment. Nous devons défendre un modèle syndical différent, basé sur les assemblées générales des travailleurs, l’action directe et la solidarité, ainsi que l’appui aux différentes initiatives qui pourraient apparaître en vue de créer des organisations anarcho-syndicalistes de par le monde. Dans cette période, le capitalisme récupère toutes les luttes sectorielles, les transformant en simples pièces de théâtre politiques ou politico- "révolutionnaires". Particulièrement dans les pays de la périphérie du capitalisme mondial, la démocratie représentative et le réformisme sont, dans la période actuelle, des moyens décisifs pour empêcher l’éclosion et le développement de la guerre sociale des exploités et des opprimés. Dans le cadre actuel du capitalisme, les problèmes écologiques, effectivement très graves, ont encore tendance à s’aggraver davantage. Toutefois les prolétaires ne peuvent être tenus pour responsables de la détérioration de l’environnement. Celle-ci est de la responsabilité de ceux qui gèrent le système économique : les capitalistes. L’organisation de la violence contre-révolutionnaire constitue un des objectifs prioritaires de l’ensemble des gouvernements totalitaires, fascistes ou démocratiques, de gauche ou de droite, dans la période actuelle. Les problèmes économiques et sociaux des classes prolétarisées et pauvres, ainsi que l’ensemble des conséquences de la guerre économique entre capitalistes, constituent la base sur laquelle peut se fonder une guerre sociale, opposant directement les pauvres et les gouvernés aux classes gouvernantes et exploiteuses. Ceci nous conduira à la révolution mondiale anarchiste.

 

Le combat d’idées est indispensable pour unir les prolétaires contre la bourgeoisie, mais ne suffit pas à lui seul. Nous devons aussi favoriser la formation d’organisations de lutte. Toutefois, il ne peut s’agir d’un effort unique visant à construire un seul type d’organisation. Nous devons favoriser la création et le développement d’un ensemble cohérent de structures spécifiquement anarchistes, mais aussi syndicales, territoriales (comité de quartier et de ville) et les divers secteurs de luttes (organisation de femmes, de jeunes, antimilitariste, anticléricale et antireligieuse, etc.), répondant aux différentes préoccupations du prolétariat.

 

De même que la lutte syndicale ne doit pas conduire au réformisme syndical, il est clair que les luttes écologistes et territoriales (notamment municipale) ne doivent en aucun cas être confondues avec la simple lutte environnementale ou la participation aux élections locales, auxquelles nous nous opposons quelles qu’elles soient.

 

Internationale des Fédérations anarchistes

Lyon, 30 octobre, 1er et 2 novembre

 

 

 

Déclaration des femmes anarchistes

De l’analyse de la situation des femmes dans les différents territoires, il est ressorti d’une part que si chaque pays présente une situation particulière, les problèmes rencontrés présentent une certaine similitude : les femmes sont partout victimes de la crise économique et du poids important des idéologies conservatrices et patriarcales. D’autre part il existe une réelle volonté de travailler ensemble sur les oppressions spécifiques des femmes.

 

Parmi les problèmes qui ont été discutés au cours de cette rencontre, un des aspects qui semble particulièrement important est la réapparition d’une idéologie réactionnaire et religieuse qui vise à un retour des femmes à leur rôle de soumission. Certaines compagnes sont intéressées à faire dans ce cadre une campagne de l’internationale anarchiste.

 

En tant qu’anarchistes nous pensons en outre que la libération des femmes ne peut et ne doit pas se faire par l’accès aux positions de pouvoir liées au capitalisme ou à l’État : le fait que des femmes soient premier ministre, puissent être ministre du culte dans l’Église catholique, ou cadre dans les entreprises, ou soient obligées de faire leur service militaire, ne constitue en aucun cas un progrès.

 

Il apparaît également que les liens entre les anarcha-féministes doivent être renforcés, et que l’information sur les actions menées sur ce terrain doivent être échangées entre les différents pays.

 

Nous proposons la création d’une commission de travail qui relaye la solidarité internationale des femmes face aux intégrismes :

 

  • information sur la situation mondiale des femmes campagne contre le jubilé catholique collecte de matériel et de documents militants sur la question des luttes féministes ;

  • soutien aux femmes qui luttent dans tous les pays du monde pour leur autonomie et leur liberté, et en particulier solidarité avec les femmes vivant dans des pays en guerre et victimes de viols et de violences.

 

Internationale des Fédérations anarchistes

Lyon, 1er novembre 1997.

 

 

Position des anarchistes sur le mouvement ouvrier

Motion adoptée au 5e congrès de l’IFA - Valence – 1990

 

L’Internationale des Fédérations anarchistes constate que le mouvement organisé joue un rôle prépondérant non seulement dans le développement des revendications immédiates, mais aussi dans la création, au sein de la société capitaliste, de préfigurations des formes révolutionnaires de la société future.

 

En Espagne et dans d’autres pays qui ont traversé des périodes révolutionnaires, les syndicats furent les instruments les plus efficaces pour la reconstruction sociale.

 

Les faits historiques montrent que même quand le syndicalisme se limite à une fonction de pure défense des intérêts de la classe ouvrière, celui-ci s’affronte au capitalisme et à l’État, et qu’il se voit obligé de faire face à des situations révolutionnaires.

 

Nous devons aussi souligner la situation d’une bonne partie du mouvement ouvrier tombé, dans de nombreux pays, dans le collaborationnisme d’État ou dans les formes les plus aiguës du réformisme, qui, de fait, ont converti les syndicats en instruments de l’État et du capitalisme privé ou étatique. Certains syndicats illustrent bien ceci qu’ils soient d’Europe de l’Est, des États Unis, des diverses républiques d’Amérique du Sud ou d’autres pays. Nous devons ajouter la dépendance dans laquelle se trouvent de nombreuses centrales syndicales, dirigées et dominées, les unes par les partis politiques, les autres par l’Église.

 

L’IFA déclare que les anarchistes n’ont jamais joué dans les organisations syndicales, un rôle directeur, pas même dans les pays où ils ont pu créer des organisations ou des syndicats anarcho-syndicalistes. Les anarchistes œuvrent comme manuels ou intellectuels au sein des syndicats en tentant de convaincre les travailleurs par la propagande et l’exemple, les orientant dans un sens révolutionnaire, leur montrant le chemin à suivre pour parvenir à l’émancipation intégrale, respectant toujours la pleine indépendance des organisations.

 

En ce sens, il est important de reconnaître l’œuvre réalisée par les organisations syndicales en Espagne , en Bulgarie, en Italie, en Argentine, en France (n’oublions pas que la CGT fut fondée par les syndicalistes révolutionnaires) et dans d’autres pays avant la première guerre mondiale. L’AIT, continuatrice de la première Internationale, même amoindrie par la destruction de quelques unes de ses sections par le fascisme et l’autoritarisme, reste à défendre les principes et les tactiques de la première Internationale, seule organisation à caractère syndical international qui ait échappé aux déviations réformistes ou totalitaires.

 

L’IFA engage ses sections adhérentes à participer aux luttes ouvrières sous les formes correspondant à la réalité de chaque pays. Cette participation ne peut être développée que sur la base des principes généraux de l’anarchisme, c’est à dire action directe, fédéralisme et finalité de révolution sociale libertaire.

 

Le principe d’action directe est entendu comme : la solution des conflits entre travail et capital doit être traitée directement entre patrons et ouvriers sans la médiation d’une quelconque bureaucratie ou autorité. Partant de ce principe, l’I.F.A. conseille aux compagnons des différentes sections de ne pas réaliser de travaux de gestion ou bureaucratiques rémunérés, au sein des syndicats.

 

A partir des situations dans lesquelles sont engagées les sections de l’IFA, l’action pourra prendre les formes suivantes :

 

  • action dans les syndicats anarcho-syndicalistes membres de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) ;

  • action non bureaucratique dans d’autres organisations syndicales avec l’objectif de développer les conceptions anarcho-syndicalistes ;

  • action dans les comités de lutte, conseils ouvriers et organisations de chômeurs et de précaires, avec l’objectif de créer un mouvement autonome autogestionnaire.

 

Les sections de l’IFA ne perdent pas de vue la nécessaire solidarité vis à vis des compagnons des autres sections de l’IFA dans les luttes ouvrières qu’ils impulsent.

 

Les Fédérations de l’IFA, les groupes et individus membres s’engagent à soutenir et à être solidaires des sections de l’AIT ainsi que des mouvements sociaux qui peuvent se créer et qui développent des pratiques anarchistes au sein du mouvement ouvrier.

 

L’IFA constate, au travers des faits, que quand les travailleurs sont réunis au sein d’organisations syndicales indépendantes et à finalité révolutionnaire et que quand aussi les anarchistes peuvent appuyer l’action ouvrière et impulser d’autres mouvements, alors il est possible de transformer la condition sociale des travailleurs et de tous les êtres humains en général.

 

L’Europe 92-93

Motion du 5e Congrès de Valence de l’Internationale des Fédérations anarchistes

 

En 1985, les chefs d’États et de gouvernements de la Communauté (CEE), décident de donner une impulsion décisive à la construction européenne. Il s’agit pour eux de lever les obstacles à la libre circulation des personnes et des capitaux pour le 31 Décembre 1992.

 

Construction économique, une réalité
Depuis une dizaine d’années, de nombreux textes et circulaires ont abouti à la signature de l’Acte Unique Européen qui instaure le grand marché de plus de 300 millions de personnes. Ce grand marché, selon les dires des « eurocrates » de Bruxelles ne manquera pas d’entraîner une relance économique qui se traduira par une nouvelle croissance, la création d’emplois et la diminution du chômage.

 

Outre le fait que la division du travail au sein de la CEE et son corollaire, la restructuration ont déjà fait plus de 40 millions de chômeurs (des secteurs entiers de la sidérurgie, de la métallurgie ont été démembrés), un rapport de la commission des communautés européennes laisse planer des doutes sur cet optimisme.

 

« Le retour de la croissance économique et le lent déclin du chômage devraient être générateur de nouveaux emplois, encore que cette dynamique ne touchera pas automatiquement toutes les régions des douze et notamment les plus déshéritées. La plupart des emplois crées grâce à l’amélioration récente de la situation de l’économie communautaire sont des emplois à temps partiels ou temporaires dans le secteur des services majoritairement occupés par les femmes. S’il est vrai que cela a contribué à faciliter l’accès des femmes au marché du travail, la qualité de nombre de ces emplois a été mise en doute non seulement à cause des faibles rémunérations constatées mais aussi parce que cela n’a guère contribué à réduire le chômage puisque ces emplois sont pour la plupart inaccessibles aux chômeurs. »

 

Dans les faits, l’Europe signifiera de nouvelles concentrations industrielles et financières, de nouveaux dégraissages. Pour le patronat européen (UNICE), il faut que la déréglementation soit maximalisée afin de se lancer sereinement dans la dure compétition internationale. L’Europe a pour ambition de devenir la première puissance économique mondiale face aux États-Unis et au Japon.

 

Construction sociale : un leurre

Au regard de tous les efforts pour construire l’Europe du Capital, la politique sociale communautaire apparaît bien timorée voire inexistante (certains suppriment des avantages sociaux parce que ceux-ci n’existent pas dans les autres pays de la CEE).

 

L’adoption, les 8 et 10 Décembre 1989, par tous les chefs d’États et de gouvernements de la CEE (sauf le Royaume-Uni), de la charte sociale ne doit pas nous leurrer. Cette charte relève plus du souhait que de l’obligation, pour les États, de la respecter. Elle ne représente qu’une mesure d’accompagnement afin de mieux faire passer l’ensemble des bouleversements économiques et financiers occasionnées par l’acte unique. La construction de l’Europe de 1993 engendrera et/ou accentuera l’exclusion de toute une partie de la population incapable de s’adapter à toutes ces mutations économiques. La CEE compte actuellement plus de 44 millions de personnes qui vivent avec un revenu inférieur à la moitié du revenu moyen dans leur pays respectif. Ce n’est certes pas avec l’harmonisation par le bas des mesures d’urgence (RMI, MINIMEX, ...) que s’enrayera le phénomène d’exclusion sociale et l’on sait, par ailleurs, que l’extrême-droite se renforce sur ce terrain que constitue la crise économique et le chômage.

 

L’Europe des polices

Si l’abolition des frontières ne pose aucun problème pour ce qui est des capitaux et des marchandises, il en va autrement de la libre circulation des personnes, car l’Europe qui se profile à l’horizon 1993 est celle du contrôle, du fichage et de la répression du citoyen. Les accords de Schengen, ou « les États signataires s’engagent à prendre des mesures visant à l’harmonisation des dispositions concernant l’admission sur le territoire ... et à supprimer les frontières internes aux territoires, ce qui suppose une coordination, à défaut d’une harmonisation, des politiques migratoires pour faire obstacle à l’immigration illégale des ressortissants d’États non membres de la CEE », sont les premières pierres de la construction d’un nouveau mur de la honte qui protégerait l’Europe et par la même l’occident des hordes venues du Tiers-monde. Ces accords sont aussi un danger pour la législation actuelle concernant le droit d’asile, le fichage informatique et ne fait que renforcer l’arbitraire policier dans ces domaines. Que deviendraient dans ce contexte les réfugiés corses, basques, irlandais, italiens ... ?

 

Les anarchistes et l’Europe

Les politiques générales et économiques risquent d’être encore bouleversées d’ici 1993. Le fait qu’un marché financier énorme s’ouvre à l’Est, que des industriels s’installent , que des capitaux gigantesques soient investis dans cette partie du monde, seraient le signe d’un choix politique international. Cette politique internationale viserait à opposer et à diviser encore plus le monde en deux :

 

  • un hémisphère Nord dominant, sur le plan économique et sur la scène internationale ;

  • un hémisphère Sud, écrasé, surendetté, un pantin aux mains du FMI.

 

Le concept de développement est considéré comme une question de biens (marchandises) à obtenir à travers l’accumulation des capitaux, la construction d’infrastructures, l’utilisation du management et la formation de pouvoirs institutionnels politiquement partie prenante de la politique des super-puissances.

 

Pour nous, le bien-être d’un peuple ne peut se mesurer à la propriété mais à la possibilité d’utiliser ses propres moyens de vie. Parce que comme écrivait Héraclite il y a 2500 ans : « Quand manque la santé, la culture ne peut apparaître, la culture ne peut se manifester, la force ne peut s’affirmer, la richesse devient inutile et l’intelligence ne peut fructifier. »

 

Mais si les biens et les progrès peuvent dans certains cas favoriser le développement, ils ne constituent pas le développement par eux-mêmes. Pour nous, le progrès est une processus de liberté collective qui se manifeste à travers l’imagination individuelle et sociale. C’est ainsi que les peuples africains peuvent réaliser un développement original avec des caractéristiques propres, complètement différentes de celui des peuples d’Amérique du Sud ou encore du continent asiatique, puisque l’affirmation de leur propre autonomie dépend uniquement de leurs propres traditions historiques qui ont déterminé leurs personnalités et vont déterminer leur devenir.

 

Les anarchistes ne peuvent rester indifférents face à ce partage du monde. Il devient urgent de réaffirmer notre soutien aux luttes du Tiers-monde (économiques, écologiques, politiques, culturelles ...), et notre combat contre le modèle dominant, l’ultra-libéralisme qui après l’effondrement du bloc soviétique apparaît comme le grand vainqueur de l’histoire. a cette « Europe de l’exclusion », nous opposons une Europe ouverte et solidaire. La faillite du marxisme, les perspectives peu réjouissantes du libéralisme, nous ont donné raison et doivent nous inciter à repenser notre projet anarchiste, révolutionnaire, autogestionnaire et fédéraliste et à chercher les moyens de pouvoir le diffuser durablement au sein de la population. Loin de nous recroqueviller sur nous-mêmes, nous devons nous ouvrir (ouverture fondée sur des pratiques et des réalisations en gardant notre spécificité) à d’autres mouvements (écologie, logements etc ...).

 

La Commission du Congrès.

 

L’anarchisme et les perspectives de transformations sociales

Motion adoptée au 4e congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réunie à Paris les 31 octobre, 1, 2 et 3 novembre 1986

 


Pour l’Internationale des Fédérations anarchistes, la réalité sociale actuelle, à l’Ouest comme à l’Est, au Sud comme au Nord, se structure tout à la fois autour de l’exploitation de l’homme par l’homme et de l’oppression de l’homme par l’homme.

 

Nous pensons qu’un changement social passe de manière centrale par un changement économique et donc par la destruction de la structure économique du capitalisme. Mais nous pensons également que notre intervention sur le terrain économique, à l’usine, au bureau, aux champs, doit intégrer toutes les luttes visant à changer la vie dans un sens libertaire (antimilitarisme, luttes contre l’oppression religieuse, écologie, lutte des femmes, luttes de libération sexuelle...).

 

Le combat de l’IFA vise donc à détruire les structures économiques, politiques, idéologiques... du capitalisme, à multiplier les alternatives à ce système au niveau économique, politique, social... pour que, une fois la structure économique du capitalisme détruite, ces alternatives, qui aujourd’hui ne peuvent rester qu’embryonnaires, puissent embraser l’ensemble du champ social et structurer la construction du monde nouveau que nous avons actuellement dans le coeur.

 

Antimilitarisme

La militarisation ne se réduit pas à la problématique de l’armée ou de la guerre. Aujourd’hui, à l’Est comme à l’Ouest, la militarisation occupe l’ensemble du champ social (renforcement des forces répressives, renforcement des institutions étatiques, de l’autoritarisme, de la hiérarchie... dans la vie sociale).

 

C’est pourquoi nous sommes contre toutes les armées, contre tous les impérialismes – les grands (États-Unis, URSS) comme les petits (Europe, Sud-Est asiatique...).

 

C’est pourquoi nous ne croyons pas aux traités de paix ou de désarmement conclu entre les États.

 

C’est pourquoi, donc, nous croyons à la solidarité internationale des peuples qui seront débarrassés du capitalisme et de l’État.

 

C’est pourquoi notre antimilitarisme se situe à l’intérieur et à l’extérieur des casernes.

 

Écologie et nucléaire

Le capitalisme privé ou d’État ne se contente pas d’exploiter et d’opprimer les hommes. Il exploite également la nature jusqu’à détruire les conditions mêmes de la vie (pillage des ressources naturelles, pollution de toute sorte...).

 

En ce sens, l’accident de Tchernobyl n’est pas un accident. C’est la démonstration même de cette logique. C’est pourquoi nous opposons à cette logique un système où la production serait basée sur les besoins réels des gens. Ce système qui exclurait le gaspillage énergétique n’aurait nul besoin de l’énergie nucléaire.

 

C’est pourquoi nous opposons à la logique actuelle un système autogestionnaire basé sur le fédéralisme. Un système autogestionnaire fédéraliste n’aurait en effet pas besoin d’une production énergétique, dont le nucléaire est l’exemple type.

 

Athéisme

Les religions confessionnelles et laïques, par leur croyance absolue en un être suprême ou en un paradis futur, sont un obstacle au changement de la réalité sociale actuelle. Il y a toujours un rapport étroit entre les religions et le pouvoir. Actuellement, les idées laïques sont en perte de vitesse et les religions confessionnelles, par le biais du show-biz, en profitent pour retrouver une nouvelle jeunesse. Ce phénomène est particulièrement évident avec le Pape et l’imam Khomeiny.

 

C’est pourquoi nous réfutons toutes les religions et combattons les structures d’aliénation que celles-ci véhiculent.

 

Éducation

L’école privée ou d’État a pour but, en tant qu’institution, le maintien et la consolidation de la structure sociale dominante. Elle le réalise par le biais d’une éducation bien déterminée qui considère l’individu et l’enfant comme une éponge.

 

L’école produit une idéologie dont la fonction est de permettre à l’enfant de s’insérer dans le système existant.

 

Le but final de l’éducation actuelle n’est pas d’aider l’individu à être heureux, mais de lui faire accepter l’exploitation et l’oppression qu’il subit. Les anarchistes ont, depuis longtemps, toujours crée des espaces d’autogestion du savoir, de développement autonome de l’enfant, de non-répression sexuelle...

 

Ces expériences d’éducation libertaire, permettant à l’enfant de s’épanouir librement et développer l’autogestion de sa propre vie, n’ont jamais voulu être des « îlots de liberté » dans un océan d’oppression. Toutes ont été en relation étroite avec des moments de lutte contre le Capital, l’Église, etc... Ce ne sont pas des utopies mais des éléments d’un affrontement social et des instants de mûrissement de l’humanité en marche vers son émancipation.

 

Les oppressions sexuelles

La société capitaliste (à l’Ouest comme à l’Est) est une société patriarcale dominée par les valeurs du machisme (oppression de la femme par l’homme, assimilation des comportements non conformes aux normes du machisme à des déviances : homosexualité...). Le pouvoir (État, religion, etc...) produit et exploite cette situation qui lui permet de diviser les exploités et les opprimés. C’est ainsi que la maladie du SIDA est utilisée par les pouvoirs comme moyen de discrimination à l’encontre des homosexuels.

 

L’IFA, qui est pour la liberté et l’égalité entre tous les individus, refuse et combat toute discrimination et oppression sexuelle.

 

C’est pourquoi, nous sommes pour l’abolition de la famille patriarcale en tant qu’institution et pour la reconstruction de rapports humains basés sur le libre accord.

 

C’est pourquoi l’IFA dénonce et s’oppose à toutes les violences sexuelles faites à l’encontre des femmes. L’IFA combat pour que les femmes du monde entier puissent disposer librement de leurs corps (contraception et interruption volontaire de grossesse libres et gratuites) et de leur devenir (égalité économique et sociale).

 

Le racisme

Le capitalisme privé ou d’État pose toujours les problèmes des différences entre les individus en terme d’inégalité. Et ce afin de diviser les exploités et les opprimés. Actuellement, et ce n’est pas un hasard car la crise économique bat son plein, le racisme retrouve une nouvelle vigueur. L’IFA affirme que le racisme n’est qu’une conséquence de la division de la société en classes.

 

C’est pourquoi elle combat tous les racismes et proclame que, au-delà des différences qui existent entre les êtres humains, tous sont égaux.

 

Anti-étatisme et fédéralisme

Le système capitaliste, qu’il soit privé ou d’État, est un système qui exploite et opprime le plus grand nombre. L’institution étatique est l’un des moyens lui permettant de réprimer les exploités et de se perpétuer. L’institution étatique est tout à la fois cause et effet de la division sociale. Cette dernière produit l’État et l’État produit la division sociale.

 

C’est pourquoi l’IFA veut détruire le capitalisme et l’État par le biais de l’action directe, de l’autogestion des luttes, de l’antiparlementarisme, de l’insurrection, etc... Elle lutte en faveur d’un système sociétaire fédéraliste basé sur la libre fédération des individus et groupes sociaux : le communisme libertaire.

 

De la lutte anti-impérialiste à la lutte de libération sociale

Motion adoptée au 4e congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réunie à Paris les 31 octobre, 1, 2 et 3 novembre 1986

 

 

Positions de principe

 

  1. En vertu du principe de liberté, l’anarchisme organisé au sein de l’IFA :

 

  • reconnaît l’autonomie de tout individu, de tout groupement ethnique ou national, de toute sorte de groupements locaux et territoriaux, groupements de toute sorte de besoins sociaux et de production, de consommation, d’affinité, etc... ;

  • reconnaît leur droit inaliénable à l’auto-organisation ;

  • reconnaît également le droit à l’autonomie des groupes ethniques, régionaux ou nationaux constitués au sein des nations pluri-nationales, mais autonomie qui se réaliserait sous la forme d’une fédération volontaire de ces groupes avec les autres nationalités et particulièrement sous la forme d’une fédération libertaire.

 

  1. Mais en vertu du principe de solidarité, réalisable par le fédéralisme dans la fédération et de l’internationalisme – principes fondamentaux de l’anarchisme social, organisateur et révolutionnaire, l’anarchisme organisé au sein de l’IFA :

 

  • réfute et condamne toute forme de nationalisme, religion de l’étatisme et des États, poison des peuples au cours de leur histoire ;

  • condamne toute oppression de l’homme par l’homme, toute exploitation et domination étrangère (politique, militaire, économique, sociale, idéologique, confessionnelle et culturelle) ;

  • réfute et condamne le néo-nationalisme des États décolonisés et des États subissant l’impérialisme ;

  • dénonce l’impérialisme en tant que principal processus de domination étatico-capitaliste sur l’ensemble de la planète. Celui des gouvernements, des compagnies transnationales, des Églises, des États sous la forme capitaliste libérale, de la social-démocratie, du communisme autoritaire et des régimes militaro-fascistes. L’impérialisme, ce sont également les dernières formes de colonialisme proprement dit (Kanaky, Antilles, Polynésie, Guyane, Macao, Hong-Kong, Papouasie). L’impérialisme comprend encore le conflit du Proche-Orient et de la Palestine, où se mèlent des situations colonialistes, néo-colonialistes (Israël) et impérialistes (Liban, etc...). l’impérialisme utilise comme outils les organisations supra-nationales (OPEP, FMI, etc...), conférences et traités internationaux ;

  • affirme la nécessité de mener la lutte contre les blocs impérialistes consacrés et leur cortège de sous-impérialismes ; États-Unis, URSS, mais aussi la Chine et le Vatican ;

  • affirme la nécessité de mener la lutte contre les blocs impérialistes en gestation qui sont intrinsèquement liés à la mondialisation de l’étatisme, et qui se traduisent par des efforts de pénétration économique (pétro-dollars en Europe, par exemple) et par les tentatives de domination politique, culturelle, militaire et confessionnelle (conférence islamique en particulier).

 

  1. Les anarchistes ne doivent pas oublier que l’impérialisme n’a pas de frontière. Ils doivent adapter leur combat en conséquence. Dans les pays où ils estimeraient opportun et utile une participation directe aux luttes de libération nationale, il est recommandable de transformer ces luttes en lutte de libération sociale. Le but de l’anarchisme est celui de l’émancipation totale de l’homme, y compris celle d’une domination étrangère. Ce but ne saurait être atteint que par la Révolution sociale.

 

Modalités pratiques

L’anarchisme militant a essentiellement trois tâches dans les luttes anti-impérialistes :

 

  • propager les luttes anti-impérialistes révolutionnaires, en mettant au centre de celles-ci la question sociale, sans oublier le combat contre les organisations supra-nationales du type FMI, COMECON, etc. ;

  • activer la solidarité internationale en recherchant la communauté d’intérêts entre les différents opprimés, et l’information directe soutenant les mouvements de masse qui suivent cette stratégie ;

  • s’investir concrètement dans les mouvements anti-impérialistes et de luttes de libération nationale, afin de mettre en échec la logique de domination qui anime les courants politiques anti-autoritaires de ces mouvements.

 

Luttes ouvrières, syndicalisme et AIT

Motion de la Fédération anarchiste française et de la Fédération anarchiste italienne adoptée au 4e congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réunie à Paris les 31 octobre, 1, 2 et 3 novembre 1986

 

L’IFA engage ses sections adhérentes à participer aux luttes ouvrières sous toutes les formes correspondant à la réalité de chaque pays. Cette participation ne pourra naturellement se développer que sur la base des principes généraux de l’anarchisme et de l’anarcho-syndicalisme, à savoir action directe, fédéralisme et objectif de Révolution sociale et libertaire.

 

Suivant les situations dont chaque section de l’IFA reste juge, cette action pourra utilise rles formes suivantes :

 

  • l’action dans les syndicats anarcho-syndicalistes membres de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT) ;

  • l’action non-bureaucratique dans les organisations syndicales réformistes ou unitaires dans le but de développer les conceptions anarcho-syndicalistes ;

  • l’action dans les comités de lutte, conseils ouvriers ou organisation de chômeurs et de travailleurs précaires, dans le but de créer un mouvement autonome autogestionnaire.

 

Les sections de l’IFA ne perdront pas de vue la nécessaire solidarité à l’égard des camarades des autres sections de l’IFA dans les luttes ouvrières qu’ils impulseront.

 

Fédération anarchiste française

Fédération anarchiste italienne

 

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Motion de la Fédération anarchiste ibérique et de l’Union des anarchistes bulgares adoptée au 4e congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réunie à Paris les 31 octobre, 1, 2 et 3 novembre 1986

 

Les fédérations, les groupes et les individus, membres de l’IFA s’engagent à soutenir par leur solidarité les sections de l’AIT dans les luttes ouvrières qu’elles mènent et de contribuer à la création de telles sections dans leur pays si elles n’existent pas encore et de ne tenir aucune relation avec une organisation réformiste qui a des relations avec un parti politique et l’État, et pratique la lutte anti-anarcho-syndicaliste contre une section de l’AIT.

 

Fédération anarchiste ibérique

Union des anarchistes bulgare

 

Bases idéologiques de l’anarchisme social, organisateur et révolutionnaire

Motion adoptée au 3e congrès de l’IFA, les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1978 à Carrare

 


Le Congrès International des fédérations anarchistes, en confirmant la position historique du mouvement anarchiste organisé, prise en 1872 à la Conférence de Saint-Imier, et les décisions du Congrès de Carrara de 1968, et prenant en considération les apports des fédérations et des groupes anarchistes adhérents à l’IFA, considère, après discussion, que les bases idéologiques, tactiques et organisationnelles établis par nos théoriciens (Bakounine, Kropotkine, Malatesta, Rocker et autres) et historiquement confirmées par l’expérience des luttes sociales et révolutionnaires des peuples et des travailleurs, particulièrement par la Commune de Paris, la révolution russe et la révolution espagnole, restent toujours valables et actuelles.

 

Ce sont les principes suivants :

 

  • Négation de l’autorité et de tout pouvoir ;

  • Négation de la hiérarchie ;

  • Négation des lois juridiques ;

  • Liberté, égalité, solidarité, justice sociale, contrat libre, libre initiative, athéisme, antimilitarisme, internationalisme, décentralisme, autonomie et fédéralisme, autogestion et communisme libertaire.

 

La négation de l’autorité et de tout pouvoir est le principe essentiel et le signe distinctif de l’anarchisme et du mouvement anarchiste. Tous les autres principes libertaires découlent de cette négation de l’autorité et du pouvoir.

 

Le pouvoir prend trois formes dans la société actuelle :

 

  • pouvoir économique représenté par la propriété et par le capital ; pouvoir politique exprimé par l’état, les partis politiques et les groupes de pression ;

  • pouvoir spirituel et moral exercé par les religions et les églises, ainsi que par tous les organes et instruments d’information, d’éducation, d’instruction, d’orientation et de domination spirituelle, culturelle et morale.

 

Le pouvoir, tout pouvoir, se traduit par l’exploitation de l’homme par l’homme et par l’oppression de l’homme par l’homme, oppression et domination matérielle, spirituelle, morale et même physique. Les trois formes du pouvoir sont organiquement liées entre elles et aux privilèges qui conditionnent leur existence et qui en découlent, à la fois.

 

C’est pour cette raison que la position sociale et révolutionnaire de l’anarchisme s’exprime par la lutte irréductible contre tout privilège, pour l’égalité, assurée par la possession sociale des richesses naturelles, des moyens de production, de transport, d’échange et de répartition, des produits fruits du travail collectif, pour l’autogestion de la vie sociale, politique, économique et culturelle.

 

La liberté, condition sine qua non pour le fonctionnement normal de tout organisme social sain ; la solidarité garantissant la force par l’union et la justice sociale : principes uniques d’une véritable morale, déterminent la structure réellement viable de la future société libre.

 

Alors que les principes de l’anarchisme restent inchangeables, qu’ils affirment l’incompatibilité de l’anarchisme avec le marxisme, que celui ci soit dogmatique ou non ; alors qu’il ne remet pas en cause la chaîne logique de la pensée qui, partant de la théorie aboutit à la pratique ou à la reconnaissance du pouvoir étatique, ainsi que toutes les théories autoritaires présentées sous une forme libérale, ces principes de base de l’anarchisme réaffirmés, nous reconnaissons la possibilité d’effectuer une analyse anarchiste nouvelle, suivant les conditions socio-économiques contemporaines.

 

Cette analyse, conçue comme critique anarchiste et non comme critique de l’anarchisme, peut se mouvoir, par exemple, dans le cadre suivant, non limitatif : analyse différente du 19ème siècle, évaluant le rôle actuel de l’État , de la composition et des rapports entre les classes, de l’évolution de la science et de sa vulgarisation, du rôle de cette dernière dans le renforcement de l’aliénation, de l’utilisation des mass média par l’État et les partis, des formes alternatives tendant à transformer la vie quotidienne.

 

La réalisation, l’édification et le fonctionnement harmonieux de cette société ne sauraient être œuvre que d’hommes directement intéressés, c’est à dire des individus qui, par leur situation sociale ou pour des motifs de caractère idéologique, sont solidaires avec la classe ouvrière.

 

Dans le choix des moyens de réalisation des aspirations à l’émancipation totale des hommes, l’anarchisme social refuse le parlementarisme et le réformisme. L’émancipation sociale ne pourra être atteinte que par l’action directe soutenue qui aboutit à la révolution sociale, c’est à dire la transformation radicale de la société et de toutes ses structures.

 

La spontanéité révolutionnaire est un phénomène naturel et nécessaire, mais une des conditions essentielles pour la réalisation du but final est l’existence d’organisation révolutionnaire avant et pendant la révolution.

 

Cette nécessité exige l’organisation des forces idéologiques, l’édification des groupes libertaires, fédérés territorialement, sur le plan national et international, ainsi que l’organisation des travailleurs par eux-mêmes, par entreprises, laboratoires, établissements, par professions et branches de production et territorialement, tant sur le plan national qu’international.

 

L’Internationale des Fédérations anarchistes (IFA) est constituée par des fédérations – une par pays. Ces Fédérations jouissent de pleine autonomie dans leurs structures et dans leur fonctionnement intérieur, mais elles sont solidaires entre elles en vertu du Pacte d’association commun, volontairement et librement accepté, qui constitue partie intégrante de cette déclaration de principe de l’anarchisme social.

 

Dynamique techno-scientifique de la production, sa répercussion sur le plan économique et social (rôle des multinationales), en rapport avec la lutte contre le capitalisme et l’État et la solidarité des travailleurs dans le monde

 

Motion adoptée au 3e congrès de l’IFA, les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1978 à Carrare (Italie)

 

Le troisième congrès de l’IFA confirme la continuité des causes qui sont à l’origine des problèmes sociaux et leur dénonciation permanente par l’anarchisme.

 

L’utilisation de termes nouveaux et d’expression correspondant à la nouvelle évolution des techniques ne signifie point qu’il y ait des changements dans les origines, mais une accélération de la crise sociale permanente de la société capitaliste comme du capitalisme d’État.

 

Notre analyse confirme que les principes de base du combat que l’anarchisme maintient, sont toujours en vigueur, comme les tactiques de lutte contre l’aliénation permanente de la personne humaine.

 

Nous arrivons ainsi, dans cette analyse, aux considérations suivantes :

 

A) Production des biens de consommation

La science et la technique ne peuvent pas à elles seules conditionner la totalité des structures internes d’une société. Elles interviennent comme l’un des facteurs matériels déterminants de la formation des classes et de ses luttes.

 

Si le principal élément techno-scientifique du XIXième siècle fut la machine à vapeur, nous assistons aujourd’hui à l’intervention progressive d’autres facteurs matériels qui nous obligent à reconsidérer quelques une des conceptions que nous avons de la société bourgeoise. Nous avons chaque jour une conscience plus clair du changement de forme (ni d’essence ni de fond) des pressions, des aliénations dont nous souffrons quotidiennement.

 

La catégorie technique qui se substitue à la machine à vapeur en tant qu’axe autour duquel les structures de la société s’articulent et les groupes sociaux se définissent, c’est l’électronique, élément central de production des richesses matérielles, qui en se substituant, par exemple, à l’imprimerie, intronise le règne de l’image et de la parole télévisée, en créant ainsi un nouveau moyen de diffusion pour une nouvelle idéologie dominante. Avec l’utilisation de la machine électronique, on peut délimiter aujourd’hui trois ensembles sociaux en fonction des relations qui s’établissent avec elle.

 

 

1) L’ensemble des utilisateurs de computeur électronique

La complexité technique et l’extrême spécialisation que demande son utilisation ont fait apparaître un nouveau groupe social spécifique : les technocrates.

 

Indifféremment fils de la bourgeoisie ou du prolétariat, formés par l’État dans ses écoles spécialisées, ce sont eux qui dirigent, « programment », planifient l’ensemble de la production en étant les seuls à dominer les machines.

 

Ce sont eux qui donnent la totalité des directives qui régissent, à des niveaux inférieurs, la production : en conséquence, ils exercent le pouvoir actif, réel, sans pourtant le posséder ; en effet, s’ils savent utiliser les cerveaux électroniques (médiation moderne du pouvoir), ils ne les possèdent pas.

 

 

2) L’ensemble des possédants des cerveaux électroniques

Capitalistes dans le sens classique du terme, puisque propriétaire des moyens de production, ils sont cependant différents des vieux bourgeois.

 

Totalement anonymes, propriétaires par miettes de capital en « actions » de sociétés ou de banques, liés étroitement à l’État, ils n’interviennent à aucun moment décisif de la production. S’ils continuent à avoir le pouvoir, ils ne l’exercent point. Leur seule puissance est leur possibilité de balayer à tout moment l’équipe technocratique qui exerce le pouvoir.

 

3) L’ensemble de ceux qui obéissent aux computeurs

Formé par les prolétaires dans le sens strict du mot, il réunit ceux qui sont chargés d’exécuter les ordres transmis, codifiés et rationnalisés par les computeurs. Mais ce qui les rend différents des prolétaires du siècle dernier, c’est l’absence de rapports personnels dans les antagonismes sociaux. La division du travail a dépersonnalisé la lutte de classe.

 

Observations sur le rôle de la technocratie dans le terrain social

Matériellement, la technocratie se trouve totalement intégrée dans le cycle de la production. On peut considérer que le technicien n’est, comme le dernier des manœuvres, qu’un prolétaire, vue l’impossibilité dans laquelle il se trouve d’exercer le moindre pouvoir sur le fruit de son travail et l’emploi de son existence. Cependant, au niveau culturel, les possibilités monétaires et économiques dont il dispose et la propagande de l’idéologie dominante le portent à imaginer qu’il est un membre, ou au moins un allié de la classe dominante. Les technocrates se trouvent donc dans un état de sous-détermination sociale étant donné que, d’autre part, ils disposent d’un niveau de vie incomparablement supérieur à celui des ouvriers. Le travail d’un prolétariat conscient est celui de convaincre cette classe intermédiaire de sa condition essentiellement prolétaire, en lui faisant voir le caractère réel de son aliénation et l’illusion de son bien-être. La conscience de cette prolétarisation d’une partie de la technocratie a pu se voir dans le Mai parisien et « le malaise des cadres ».

 

Il est clair que le capitalisme, aujourd’hui comme hier, essaie par tous les moyens de diviser ses exploités pour mieux arriver à ses fins. Mais si l’union entre ouvriers et techniciens ne se fait pas, les conflits sociaux pourraient se limiter à une lutte entre ces deux groupes, en laissant la paix à leurs ennemis communs : le Capitalisme et l’État. La technocratie deviendrait ainsi un mur de protection pour la classe dominante.

 

B) Sur le rôle de la bourgeoisie

La classe bourgeoise existait même avant l’État bourgeois. Le processus de conquête de l’État par la bourgeoisie ne fut autre chose que l’installation d’un appareil de répression camouflé par quelques fonctions de caractère social, mais attentif surtout aux ordres de la classe dominante. Sa fonction fut de s’imposer par tous les moyens, brutaux ou insidieux, aux élans émancipateurs du prolétariat. Pendant toute cette époque, époque du capitalisme libéral, l’État fit partie de l’appareil domestique de la bourgeoisie. Plus tard, les mêmes contradictions du capitalisme, la concurrence entre forces parallèles à l’État, un rôle de régulateur, et de fait, l’exercice du pouvoir au sein de la bourgeoisie.

 

De plus en plus, élément planificateur et centralisateur, l’État intervient chaque jour d’une façon plus visible dans tous les ordres de la production, ce qui nous porteera à affirmer comme toujours que capitalisme et État se trouvent confondus et que le combat contre l’un est inséparable du combat contre l’autre. Cette double lutte contre le capitalisme et l’État, réunit dans un même mouvement historique le prolétariat du monde entier, car les oppositions entre les États prétendus socialistes et les États occidentaux ne sont que des mascarades, compte-tenu des bons rapports qui existent souvent entre eux pour perpétuer le système d’exploitation des peuples.

 

En rapport avec le problème posé par le développement de l’électronique, nous pouvons voir que d’un côté l’État exerce le monopole de la formation intellectuelle des techniciens, et que de l’autre côté il est, lui-même, formé par les hommes qui possèdent et exercent le pouvoir. Ceci nous permet de voir le formidable développement de la puissance de l’État par rapport aux capitalistes traditionnels qui, en marge de l’État, se réunissent pour discuter de la gestion d’une entreprise, qu’ils méconnaissent complètement, et pour renouveler une confiance, bien intéressée à l’équipe dirigeante.

 


C) Le véritable pouvoir

L’asphyxie du capitalisme traditionnellement libéral et la domination du monde occidental par l’État capitaliste se montre de façon claire par la diminution de l’importance de la monnaie dans les structures sociales. Avec l’usage des chèques pour règlement des salaires, appointements et marchandises, l’État reconnaît ce que nous savons depuis toujours : le véritable pouvoir est dans la production des marchandises et non dans la possession passive d’or ou d’autres valeurs mortes. Le chèque, qui n’est que le bon équivalent à une certaine quantité de biens de consommation, met le capitalisme en banqueroute permanente, parce qu’il ne dispose pas d’équivalence monétaire des valeurs bancaires mises en circulation. Nonobstant, ce système lui permet d’exercer un contrôle strict des possibilités marchandes de chacun et de se préserver des fluctuations d’un patron-monnaie, en éliminant ainsi une de ses propres contradictions. Le revers de la médaille, c’est que le prolétariat, producteur de tous les biens, voit confirmer par ses propres ennemis la puissance de l’ensemble des producteurs des richesses sociales.

 

D) La dépendance de la technocratie vis à vis du capitalisme et de l’État

Compte tenu que le pouvoir équivaut pour l’entreprise à la production d’une certaine quantité de marchandise, elle s’oblige à produire d’une façon effrénée. Si, pendant quelques décennies ( de fait pendant un siècle) la production capitaliste, tout en ayant comme moteur le profit, essayait de couvrir les besoins effectifs de l’ensemble de la population, aujourd’hui – où nous pouvons encore dire que le peuple se trouve dans un état de sous-développement permanent – la production n’a plus de caractère utilitaire. Aujourd’hui la technocratie étudie quels produits donneraient le maximum de bénéfices en fonction des possibilités de l’entreprise et après, sans savoir si le produit est utile ou non, impose par la publicité le besoin artificiel de ce produit.

 

La concurrence entre les entreprises n’existe que pour découvrir comment les gens se sentiront poussés à consommer leur production. Ceci nous porte à voir de quelle façon la classe dominante impose au peuple ses opinions.

 

Production de l’idéologie dominante

L’État a pour fonction spéciale, d’après Marx, la représentation symbolique et illusoire de l’intérêt général. Mais il n’a pas eu, tout au long de l’histoire, la puissance dont il dispose de nos jours, quoique la création d’illusions accompagne toujours le pouvoir.

 

Ces illusions correspondent sur le plan idéologique, aux organes répressifs dont seule la classe dominante peut disposer. Chaque catégorie d’illusion ou de fiction appartient à une classe dominante de forme telle que sa chute implique la chute de l’illusion qui la caractérise.

 

La religion, l’illusion particulière des sociétés féodales, était le ciment qui liait serfs et nobles. La résignation, vertu essentielle des religions chrétiennes, empêchait le serf de se rebeller contre son seigneur, car en se rebellant il compromettait son ascension au Paradis. La religion motivait, d’autre part, une structure mentale qui plaçait le seigneur dans une condition essentiellement différente et supérieure à celle du serf.

 

La bourgeoisie, après s’être emparé de l’État et avoir installé son pouvoir de fait par la possession de la totalité des moyens de production, a essayé de détruire la fiction religieuse ou au moins de la réduire à un rôle secondaire. Il était inconcevable que la bourgeoisie, ayant liquidé le pouvoir monarchiste dans tous ses aspects, laissât subsister la prééminence de l’idéologie qui l’accompagnait. Pour cette raison, elle entreprit simultanément de limiter l’influence de la religion et d’imposer sa propre forme ’illusion : l’illusion politique. Mais, dans ce double mouvement, il ya toujours un cap difficile à passer, quand l’illusion première est morte et la nouvelle est peu sûre. On notera avec intérêt que la première époque révolutionnaire (Commune de Paris et le 1917 russe) se situe dans ce temps de vide idéologique où précisément la contre-révolution prit la forme de l’offensive social-démocrate. Cependant, nous devons noter que la fiction politique n’a pas les mêmes qualités que les différentes religions, puisque ces derniers temps nous assistons à l’usure progressive de la politique. La vague d’insatisfaction générale qui se concrétise dans les faits, accompagnée de la désaffection envers l’électoralisme, l’irruption de l’action directe dans la lutte de classe, sont la sonnette d’alarme pour la bourgeoisie et l’État.

 

En marge des possibilités qu’ouvre l’électronique dans le domaine de la production matérielle, celle-ci a permis l’implantation d’un système de diffusion d’idéologies tout nouveau. Élément central de la diffusion de l’idéologie de l’État, la télévision assure la relève de toutes les formes du passé, puisqu’elle permet d’imposer des fragments idéologiques dans n’importe quel endroit et sans délais. La télévision a pu détruire presque complètement toutes les formes de groupements humains, et même la plus ancienne : la famille.

 

Chaque individu établi des relations unilatérales avec l’État, à travers son appareil de télévision. L’État dispose dans chaque famille d’un agent de propagande éminent, qui distrait l’esprit combatif des peuples avec les fictions politiques qu’il transmet et l’invention des pôles de publicité. L’homme moderne court le risque, à propre échéance, de se transformer en machine abrutie par les mensonges des politiciens et éternellement à la recherche de l’objet inutile à acheter.

 

La bourgeoisie, qui n’eut jamais une idéologie assez forte pour résister à la pression des faits, a eu la chance de trouver une force technique qui lui permet d’imposer des fragments idéologiques suffisants, quoique insignifiants en même temps qu’elle lui donne la possibilité à travers la publicité de cacher sa contradiction majeure : la production d’objets inutiles. La bourgeoisie compense la faiblesse de son idéologie par la force de ses moyens de transmission.

 

Croire comme l’on fait et continuent à le faire les marxistes orthodoxes, que le capitalisme mourra asphyxié sous le poids de ses propres contradictions n’est qu’une erreur dans laquelle il ne faut pas tomber. Le Capitalisme, s’appuyant sur le développement fantastique des moyens de la technique, résorbe ses propres contradictions ou au moins les cache derrière l’accélération de la production des biens de consommation et des marchandises idéologiques. Si le mouvement révolutionnaire comprend que la force du capitalisme moderne se trouve dans le développement de l’électronique et ses applications dans le domaine des richesses et de l’illusion idéologique, s’il sait dévier la totalité de ces moyens techniques pour l’utiliser au profit, non d’une classe particulière, mais de la totalité du peuple, il verra s’ouvrir des perspectives illimitées, parce que le développement technique sera peut-être l’argument définitif qui pourra assurer le triomphe révolutionnaire. L’électronique permettra et favorisera une société révolutionnaire, la réalisation de l’idéologie « utopique » des révolutionnaires d’hier.

 

 

A titre de conclusion

Aujourd’hui comme hier, l’utilisation particulière des développements technologiques et scientifiques par l’organisation de classe bourgeoise et étatique a donné, comme résultat concret contraire aux objectifs humains, une dépendance permanente et chaque jour plus étroite de l’homme à la machine, de l’individu attaché aux techniques déterminantes et absolues du système social.

 

La révolution sociale anarchiste, concordant avec les objectifs humains qui l’animent, entend et affirme que le progrès des techniques doit se placer au service de l’homme en augmentant les possibilités de production des richesses nécessaires, en le libérant toujours et progressivement d’une partie des obligations, pour lui permettre de mieux s’associer avec ses semblables, en augmentant en même temps son indépendance entant qu’individu.

 

Pour cela, il est fondamental que la révolution ait les caractéristiques que l’anarchisme prend dans ses principes, en supprimant – avec l’élimination du Capital et de la contrainte répressive de l’État – la loi du profit financier, levier moteur de la société actuelle.

 

Perspective pour une révolution sociale d’inspiration anarchiste

Motion adoptée au 3e congrès de l’IFA, les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1978 à Carrare

 

1. Mouvement ouvrier et des paysans salariés – le syndicalisme contemporain et l’anarchisme

Le syndicalisme actuel dans le monde entier (à l’exception de l’anarcho-syndicalisme, par exemple de la CNT espagnole) est devenu une structure d’intégration au système capitaliste, privé ou d’État : courroie de transmission des partis politiques (France, Espagne, Italie), rouage étatique (Pays de l’Est et Scandinavie), corporatif sans perspectives générales mêmes réformistes (USA) ou les trois à la fois comme en Allemagne.

 

Le but des anarchistes est à la révolution sociale et le communisme anarchiste ; les moyens utilisés sont l’action directe, antiparlementaire et le fédéralisme autogestionnaire.

 

Partant de ces données, la commission constate qu’il existe, au sein de l’IFA, deux appréciations dans les priorités à donner à la lutte :

 

  • la majorité des fédérations se prononce pour la continuité de la tradition anarcho-syndicaliste, comme moyen de lutte à finalité révolutionnaire précisée dans la résolution adoptée dans le premier congrès de l’IFA (Carrara 1968) au point 2 de l’Ordre du jour ;

  • par contre, la Fédération anarchiste française, compte-tenu de l’état du syndicalisme ouvrier dans son pays, remet à plus tard la création de structures autogestionnaires et fédéralistes. Elle préconise la coexistence momentanée des pratiques anti-autoritaires diverses : hors des syndicats réformistes, celles des groupes anarchistes d’entreprise, et à l’intérieur de ceux-là, celles des minorités syndicalistes révolutionnaires pratiquant l’action directe et critiquant la bureaucratie régnant en leur sein. Pour la Fédération anarchiste française, cette stratégie vise à la construction d’un mouvement autonome des travailleurs (Confédération anarcho-syndicaliste, Fédération des conseils ouvriers ou autre...) dès que les conditions nécessaires seront réunis.

 



2. Les communautés et les coopératives rurales et urbaines dans le cadre de la société actuelle et leur rôle

La philosophie et l’action révolutionnaire anarchiste ont pour finalité la libération de l’individu et l’émancipation de l’humanité.

 

Il existe dans notre société deux phénomènes qui sont partie prenante de l’expression et de l’action libertaire, les communautés et les coopératives :

 

  • les communautés libertaires cherchent à supprimer les relations autoritaires entre les individus sur le plan affectif et humain ;

  • les coopératives sont limitées à la production et à la répartition des biens de consommation, on en connaît deux formes :

    1. les coopératives du siècle dernier, par exemple les phalanstères, crées afin de tenter des ébauches de socialisme libertaire, ont dégénéré à cause d’une bureaucratisation interne imposée par le milieu capitaliste qui a fini par les digérer ;

    2. de nos jours, dans certains cas, les travailleurs sont contraints de créer une coopérative afin de sauvegarder leur emploi. Dans cette situation, le caractère pris par le phénomène coopérativiste peut aller de l’autogestion affirmée à la bureaucratisation la plus complète, en passant par la convivence des deux aspects.

 


Il est important de montrer la convergence entre ces deux phénomènes sociaux dont les limites ne sont pas strictes et qui se recoupent souvent.

 

Les coopératives et les communautés montrent que l’anarchie n’est pas une utopie, mais qu’elle est viable, tant sur le plan des relations entre les individus que dans les rapports de production. Donc ces coopératives et ces communautés sont intéressantes comme valeur d’exemple et permettent à certains de se soustraire temporairement d’une partie de notre oppression quotidienne. Ces îlots de liberté et d’égalité n’abattront pas seuls la société capitaliste et étatique, qui a su dans l’histoire à plusieurs reprises les laisser vivre, quand ils ne les mettaient pas en péril.

 

Il est clair que, par leur remise en cause de l’autorité, les tentatives communautaires et coopérativistes sont gênantes pour le pouvoir du Capital et de l’État, et que nos oppresseurs feront tout pour les détruire ou les intégrer dans les rouages hiérarchiques.

 

Ainsi, ces formes de libération précaire et partielle ne font pas l’économie d’une révolution sociale, qui reste le premier jalon indispensable à notre émancipation. Nous ne condamnons nullement les coopératives et les communautés, on peut comprendre que des anarchistes y participent, mais leur présence, même très développée, ne suffira pas à la concrétisation de notre idéal. Ces tentatives libertaires ne sont pas incompatibles avec la pénétration de l’anarchisme social dans le mouvement ouvrier, qui reste la condition sine qua non de la révolution sociale et totale.

 



3. La jeunesse et les étudiants (Motion sur l’éducation)

La culture actuelle, pour nous anarchistes de l’IFA, est l’expression et le principal véhicule des valeurs morales et intellectuelles de la classe dominante. Dans ces structures autoritaires et répressives, les anarchistes proposent certaines critiques et axes de lutte face à l’éducation et à l’école.

 

L’école, en plus de son rôle de sélection (favorisant les jeunes de la bourgeoisie) a cela de servir de voie de garage pour les jeunes en attente de travail (cette situation est particulièrement frappante en Italie).

 

La société, par l’intermédiaire de la famille et de l’école, façonne l’individu afin de lui inculquer des réflexes d’obéissance que développeront et utiliseront ensuite l’armée et l’usine.

 

Partant de cette analyse, l’Internationale des Fédérations anarchistes :

 

  • encourage les initiatives de lutte radicale contre la fonction et la structure de l’école, en rejetant particulièrement son contenu idéologique, la séparation entre école et travail, la limitation, à une période de la vie, et à une minorité, de l’instruction ;

  • préconise le développement d’une culture spécifiquement anarchiste.

 



4. Sur le problème des femmes et leur mouvement

L’Internationale des Fédérations anarchistes soutient la révolte des femmes parce que parmi les mouvements de révolte, celle-ci porte en elle une importante potentialité libertaire. Par la double oppression que les femmes subissent dans notre société – exploitation économique et domination phallocratique – leurs luttes remettent en cause les bases fondamentales de la société de domination :

 

  • le patriarcat et son corollaire, la structure familiale ;

  • les rapports de domination entre individus ;

  • l’éducation ;

  • la sexualité.

 

L’IFA incite ses militantes et ses militants à entreprendre une intense activité pour impulser vers une prise de conscience qui remette en cause la société dans une optique libertaire. L’IFA demande qu’il y ait une prise en charge réelle, par les groupes anarchistes adhérents, des problèmes fondamentaux que posent les femmes à travers leurs luttes ; l’IFA ne relègue pas au second plan le problème des femmes et ne se contentera pas d’une discussion théorique sans une application dans la vie quotidienne.

 

Le congrès prend acte que même le mouvement anarchiste reflète dans son sein la différence « Hommes-Femmes » (actifs-passives) existant dans la société, et pourtant il propose que le débat reste ouvert au sujet de ces problèmes qui représentent une grande déficience à l’intérieur de notre mouvement et posent des problèmes de leaderisme et de marginalisme.

 



5. La solidarité internationale avec les peuples et les mouvements anarchistes victimes de la répression totalitaire, avouée ou non

Considérant :

 

  • la multiplicité des organismes animés par les anarchistes qui s’occupent des questions de la solidarité envers les camarades arrêtés et persécutés pour des motifs sociaux ;

  • que l’entente entre toutes les tendances de la pensée libertaire, sur ce terrain de la solidarité, est possible ;

  • que la concentration des efforts multiplierait leur efficacité.

 

L’Internationale des Fédérations anarchistes propose la création d’une Commission spécifique internationale contre la répression étatique, bourgeoise, fasciste et communiste-autoritaire.

 



6. Moyen d’information et de formation anarchiste sur le plan international

  1. La commission propose que la publication du Bulletin, dont les textes seront envoyés par la CRIFA (Commission de relations de l’Internationale des Fédérations Anarchistes), soit prise en charge par une fédération adhérente. La Fédération anarchiste française se propose pour imprimer le Bulletin si le congrès est d’accord. D’autre part, la FA s’engage pour une durée d’un ou deux ans. (Le congrès est d’accord pour que le Bulletin soit imprimé par la FA).

  2. Le congrès accepte la proposition de la Commission pour un réseau d’information rapide qu’il est urgent de constituer. Les fédérations intéressées par la réalisation de ce projet se réuniront avec la CRIFA pour définir les modalités.

  3. Le congrès estime urgent et nécessaire qu’une liste complète de toutes les publications anarchistes soit publiée dans le Bulletin, de manière à savoir quels journaux et revues ne parviennent pas aux fédérations.

 

A cet effet, il paraît indispensable que toutes les fédérations envoient au plus tôt à la CRIFA la liste de toutes les publications anarchistes qu’elles reçoivent et qui se publient dans leurs pays.

 

D’autre part, il apparaît de première nécessité qu’un organisme responsable, en relation étroite avec la CRIFA, soit créé pour la constitution d’archives de tous les journaux et revues, de manière à ne plus être dépendant.

 



7. Esperanto

Le congrès recommande l’étude et la pratique de l’esperanto pour les relations internationales et pour être utilisé parallèlement aux autres langues employées jusqu’ici.

 

Attitude de l’IFA face au terrorisme, des différentes formes de violence, du « marginalisme » et des manifestations « révolutionnaires » folkloriques

Motion adoptée au 3e congrès de l’IFA, les 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1978 à Carrare

 

L’Internationale des Fédérations anarchistes proclame, pour les anarchistes, la liberté de choix de tout moyen d’action qui ne soit pas en contradiction avec les principes libertaires et les objectifs finalistes poursuivis par le mouvement. Qu’elle soit individuelle, minoritaire ou de masse, violente ou pacifique, revendicative ou révolutionnaire, légale ou clandestine, l’action anarchiste doit refléter en elle-même la hauteur morale des postulats fondamentaux de l’anarchisme.

 

Le droit, individuel et collectif, à l’insubordination, à la révolte et à l’insurrection est imprescriptible et non codifiable. C’est un fait naturel et spontané.

 

Les anarchistes, organisés dans l’IFA, qui se posent vraiment le problème de la révolution, c’est à dire la suppression du privilège économique, social et culturel, ont conscience qu’ils seront placés dans une situation de violence.

 

Pour les anarchistes, il existe un problème éthique dans l’utilisation d’une violence qui ne se confond pas avec la force publique légale du pouvoir d’État et du Capital, qui n’a pas d’égale dans la brutalité qu’ils imposent quotidiennement, de manière systématique, contre les individus. Cette violence d’État, dont le fondement culturel est à rechercher dans le patriarcat, cause de toute autre forme de violence, trouve son expression la plus achevée à travers la militarisation croissante de la société.

 

L’IFA refuse les formes d’action politiques fondées sur la violence aveugle et non nécessaire, l’absence de respect de la dignité humaine des ennemis mêmes, et plus encore des neutres et des innocents. Elle dénonce toutes les formes de manipulation, violence et terrorisme militariste et étatique, qui se prolongent fréquemment dans l’action d’organisations politiques, lesquelles aujourd’hui persécutées et luttant pour des causes justes, pour la plupart, aspirent néanmoins, par leurs programmes, méthodes et idéologies, à se constituer en futur pouvoir d’État.

 

Le recours à la lutte armée traduit la transformation de l’affrontement de classe en affrontement militaire, par une pratique de guerre entre appareils spécialisés, groupes armés et bandes répressives de l’État. L’extension quotidienne de telles pratiques ne démontre pas leur succès, mais au contraire, contribue au renforcement des mesures répressives du Capital et de l’État qui, après avoir réussi à faire payer les frais de la crise aux travailleurs, font peser sur eux le poids d’une répression accrue. Il est d’autant plus suicidaire de rechercher la mise en œuvre quand on ne travaille pas à l’affirmation d’une capacité offensive dans le mouvement ouvrier. Les anarchistes ne croient pas que la propagande par le fait, conçue comme le réveil mythique de la conscience du prolétariat toujours prêt à la riposte, puisse obtenir le moindre succès. Si cette ligne politique s’affirmait, elle ne pourrait qu’approfondir le fossé entre activistes et population.

 

La radicalisation des affrontements prend son point de départ après les grandes espérances soulevées par les luttes de 1968-1969 quand la créativité populaire heurtait le mur de sa propre impréparation à l’autogestion, permettant la renaissance de bureaucraties néo-réformistes de groupuscules. L’incapacité de faire la révolution « tout de suite et à n’importe quel prix » a poussé de nombreux camarades, de nombreux militants de gauche et d’extrême-gauche à une pratique quotidienne faite de compromis à l’ombre de la politique parlementaire, à un repli individualiste du laisser-faire, à un repli basé sur une conception de la clandestinité. Cela est le fruit de conceptions qui ne peuvent aboutir qu’à un réformisme opportuniste ou à un extrémisme militarisé.

 

Nous disons qu’il est temps de replacer l’activité du révolutionnaire sur le terrain qui lui est propre, au sein des luttes des travailleurs et parallèlement de donner corps à la propagande spécifique anarchiste, en cherchant à faire reconnaître la validité profonde de notre pensée.

 

La solidarité anarchiste signifie avant tout défendre tous ceux qui combattent le Capital et l’État, en pratiquant correctement la critique et non la calomnie envers ces militants. Solidarité et critique sont les deux aspects de notre éthique, parce que nous sommes conscients que c’est à partir de la liquidation physique de ces militants que l’État engage l’attaque contre tous les comportements antiréformistes et anti-autoritaires.

 

Les anarchistes affirment que la révolution sociale est le préalable à l’instauration d’une société sans classe, ni État, ni patriarcat, où toute violence aura disparu. Cependant, nous ne croyons pas que les classes dominantes renoncent à leurs privilèges économiques, sociaux et culturels sans y être absolument contraintes. L’affrontement violent est donc inévitablement inscrit dans la phase insurrectionnelle, violence qui ne peut être que collective, comme l’ont été toutes les révolutions passées.

 

En tant que mouvement organisé, l’anarchisme se doit d’établir une stratégie de lutte, fondée sur l’intelligence, capable de tirer les leçons de l’histoire, et d’analyser avec lucidité la situation et le devenir de notre société. C’est en cela d’ailleurs que réside l’intérêt fondamental du concept d’action directe qu’elle soit violente ou pacifique, moyen d’accélérer la prise de conscience des capacités d’auto-organisation et d’auto-émancipation collectives.

 

Comme Errico Malatesta, nous sommes en désaccord aussi bien avec ceux qui sont opposés à toute violence qu’avec les camarades prêts à toute violence. Nous n’approuvons, ni condamnons, en bloc, toute forme de « terrorisme ».

 

Nous sommes amenés à constater que ces actes terroristes sont toujours motivés par un autre terrorisme, celui que fait peser une classe dirigeante sur le peuple ; mais nous constatons également que les conséquences furent négatives sinon néfastes, sur le mouvement ouvrier en général et le mouvement anarchiste en particulier.

 

Nous pensons que la pratique de la violence révolutionnaire, ne peut être comprise et acceptée que s’il existe parallèlement un puissant mouvement ouvrier organisé largement acquis aux idées libertaires.

 

L’anarchisme et le marxisme à l’épreuve de l’expérience des révolutions du XXe siècle

Motion adoptée au 1er congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réuni à Carrare les 31 août et 1, 2, 3, 4 et 5 septembre 1968

 

Préliminaire

Le développement du sujet, tant dans ses aspects analytiques que dans ses aspects critiques nécessiterait un volume et une importance qui déborderaient fatalement les limites requises pour une Etude-Rapport soumise à discussion et à élaboration collective dans une réunion anarchiste.

Nous nous astreindrons donc à quelques points que nous considérons intéressants et essentiels pour diverses raisons. En plaçant le problème de l’anarchisme et du marxisme, et par conséquent du marxisme-léninisme, après analyse, dans le contexte des réalités de notre siècle, de l’expérience des révolutions les plus importantes accomplies en son cours et jusqu’à notre époque, nous essayerons de le faire de la façon la plus objective et sans nous arrêter à des approfondissements de nuances doctrinales, philosophiques et idéologiques.

 

 

Le marxisme, de Marx à notre époque, a été présenté par ses exégètes dans diverses interprétations nouvelles avec la prétention de le remettre à flot pour lui permettre de mieux résister à l’usure et aux impacts de la critique.

 

Le marxisme a été obligé de faire marche arrière en ce qui concerne sa conception mécaniciste, absolue de l’Histoire, fruit en partie de l’abstruse et contradictoire philosophie hégélienne. Il a été obligé de faire des concessions au facteur humain dans l’histoire et au rôle joué par le sens volontariste ; il a dû également orner en le nuançant superficiellement son schéma de l’homo faber et de l’homme nouveau.

 

Mais, parmi les apports novateurs du marxisme, après l’exégèse de Plekhanov, figurent les copies de ce qui a été appelé « léninisme » qui représente une interprétation encore plus rigide et plus fermée de ce qu’il y a de jacobinisme révolutionnaire dans le marxisme. Si ce dernier, à son origine, accepte encore le dépérissement des formes de l’État et jusqu’à sa disparition dans un avenir lointain, le Léninisme malgré certaines réticences théoriques quant au maintien de l’État, affirme et consolide l’existence de celui-ci dans des formes « sui-generis » de transition et, en fait, sa permanence. Et dans la dégénérescence stalinienne, la dictature du prolétariat, dans sa manifestation étatique est présentée comme « la forme la plus juste et la plus puissante du pouvoir étatique qui ait jamais existé ».

 

Par principe, l’anarchisme, dans sa négation totale de l’Autorité et de l’État, pose une affirmation vitale constante de Liberté et la nécessité de la mise en place d’une société nouvelle basée là-dessus.

 

Il fait réapparaître l’homme, l’individu libre, comme élément de base et élément vital de la société entretenant à l’intérieur de cette dernière un mouvement de rénovation permanent qui tend constamment à la libérer de toute superstructure qui l’envelopperait, qui serait différente d’elle-même et rendrait son développement difficile.

 

Il ne fait pas de l’économie une entité mythologique. Il la réduit à la dimension et échelle de l’homme et de la société tels qu’ils peuvent rationnellement être conçus dans leur évolution et leur phase optimale de développement.

 

L’anarchisme s’insurge contre le déterminisme mécaniciste en tant que moteur de l’histoire. En accordant l’importance qui lui revient au matérialisme historique et philosophique, il soutient la thèse des autonomies essentielles et fonctionnelles, celles de la présence de facteurs quantiques s’opposant ainsi à l’unicité de la pensée, des formes et des structures, ne mettant de point final ni au progrès ni à l’évolution et admettant la spontanéité et les brusques mutations révolutionnaires.

 

Il affirme que l’autorité ne peut jamais être révolutionnaire. Qu’au contraire, elle est toujours réactionnaire, rétrograde et conservatrice. Que l’on ne peut changer de tyrannies et de chaînes mais quand même bien que les dictatures et les tyrans seraient nouveaux et nouvelles chaînes, les hommes n’en restent pas moins enchaînés.

 

L’anarchisme c’est l’insurrection et la rébellion permanente et créatrice. Une masse d’énergie rénovatrice ouvrant la voie dans un cheminement progressif, débordant tous les barrages politiques, sociaux, économiques, ethniques, culturels, idéologiques et philosophiques, balayant tous les préjugés et les conventionalismes, secouant toute stagnation et constituant dans un milieu donné une révolution permanente destructrice et constructive de son propre monde, dans une mutation et un épanouissement constant.

 

Antagonisme fondamental entre le marxisme-léninisme et l’anarchisme

Pour la bourgeoisie libérale et démocratique, classe aujourd’hui dominante dans les régimes capitalistes, l’État est nécessaire. Pour les absolutistes et les droites réactionnaires, il l’est aussi. Les régimes politiques de gauche et de droite étayent également cette thèse quand ils prétendent gouverner et occuper le pouvoir, même si c’est au moyen de la plate-forme de l’élection au suffrage universel et de celle du parlementarisme qui conduisent directement à l’intégration dans l’appareil d’État et à la fonctionnarisation dans ses divers engrenages. Pour les marxistes-léninistes également, l’État, même en adoptant les qualificatifs de « prolétaire » ou « populaire », représente une nécessité, bien qu’ils acceptent son caractère transitoire, pour un temps indéterminé ; et malgré la dénomination « d’État démocratique et populaire », cette étape transitoire devient « dictature du prolétariat », soit, en fait, dictature du parti communiste unique, celui-ci se transformant en « dirigeant » et en pouvoir permanent au-dessus de la société, au-dessus de toutes organisations sociales et syndicales, exerçant le rôle de maître, d’inspecteur, et de contrôleur de tous les organismes de l’appareil répressif, des forces armées et policières, etc... Seul le syndicalisme révolutionnaire et l’anarchisme nient de façon absolue la nécessité de l’État, du gouvernement, du parlementarisme. De la part de l’anarchisme, la négation de l’autorité, de son refus, sa position antagonique face à elle est totale, radicale absolue sous quelque forme ou quelque caractère qu’elle se présente, à tout moment et même pendant les périodes révolutionnaires et les périodes dites de « transition ».

 

Comme chacun sait, l’État en tant qu’institution n’a pas existé à toutes les époques. L’État moderne a surgi avec l’effondrement des régimes féodaux et le développement du système bourgeois et capitaliste, de ses structures économiques, de la propriété privée, de ses institutions juridiques, des idéologies bourgeoises et de la morale fondée sur le respect de la loi, de l’inégalité de classes, mais surtout de la propension au pouvoir, à l’autoritarisme, et à sa centralisation.

 

La suppression du Pouvoir-autorité est indispensable à la libération de la société, à son développement. Elle l’est aussi à la liberté de l’homme. Même si l’on admettait la prémisse équivoque « que le pouvoir appartient à tous, au peuple », pour qu’il ne puisse pas se reconstituer, personne ne devrait en disposer sur son semblable, que ce soit par le consentement de ce dernier, que ce soit une délégation temporaire, personne ne devrait abdiquer ou aliéner sa part devant quelqu’un d’autre. Moins équivoque, plus claire, est la formule anarchiste : « Pas d’autorité, pas de gouvernement, inexistence du pouvoir-commandement de l’État, ce qui signifie, en fait, l’absence de toute coercition, de toute oppression et de toute exploitation.

 

Aucune révolution n’a jusqu’ici supprimé ni l’État ni le pouvoir La réalité historique démontre que ni la révolution anglaise avec Cromwell, ni la révolution française de 1789-1793, ni celle de 1848, ni la révolution mexicaine de 1910, ni la révolution russe de 1917, ni les révolutions des pays de l’Est, dits de « démocratie populaire », ni la révolution chinoise, ni la révolution cubaine, ni la révolution espagnole de 1936-1939 elle-même, n’ont supprimé ni aboli l’État-pouvoir.

 

Les courants révolutionnaires anti-étatiques et anarchistes dans ces pays au milieu de ces grandes convulsions historiques, ont été minoritaires même là où les anarchistes ont connu le plus de force et de développement. Ils n’ont pu exercer une influence déterminante décisive pour des raisons complexes. Et encore moins lorsqu’ils n’ont pas voulu, comme c’est le cas de la révolution espagnole, tomber dans la tentation dictatoriale ni se laisser enfermer dans le cercle autoritaire. Au contraire, les marxistes-léninistes (maoïstes et trotskistes inclus) bien que cela suppose leur condamnation irrémédiable face à l’avenir qui, même à l’encontre de tous, sera fait de liberté, car elle est une nécessité biologique, éthique et essentielle à l’homme, à l’individu et qu’elle est vitale à la société, les marxistes-léninistes donc, appliquant leurs méthodes autoritaires ont obtenu un triomphe de pouvoir transitoire et non de la révolution qui les a menés à l’instauration de la dictature sur chaque peuple où ils se sont emparés des rênes de l’État et sur le prolétariat et les travailleurs. Ceux-ci continuant à être la classe dominée, soumise ; ils sont divisés en catégories et contrôlés par la nouvelle classe dirigeante à travers la toute puissance des partis communistes et des minorités qui les dirigent, les conditionnent et les manipulent en conservant dans leurs mains, dans ces pays dits de « démocratie populaire socialiste et communiste », tous les postes clés de domination et d’encadrement.

 

À grands traits, comme définition de chacune des plus importantes révolutions qui se sont produites dans notre siècle, nous arrivons à la synthèse suivante :

 

La révolution russe

La révolution russe, tout en considérant ce qu’elle peut représenter en soi comme pas en avant, accompli sous l’impulsion du peuple russe en révolte contre la tyrannie tsariste et ses structures, est une révolution trahie par le marxisme-léninisme et son excroissance la plus répugnante et la plus fatale : le stalinisme, qui est la transposition contemporaine la plus forte du plus féroce et exacerbé jacobinisme.

 

En URSS, il existe un super-État tout puissant. L’État intervient en toute chose. En URSS l’inégalité existe et aussi le salaire et les différences de salaire : les catégories salariales.

 

En URSS, il existe l’argent. L’achat et la vente. Et le marché accaparé par l’État.

 

En URSS, il existe la propriété d’État. La seule exception des kolkhozes, avec leur relative autonomie n’est pas la règle.

 

Le monopole de la production se trouve aux mains des cadres du Parti. La planification est à l’échelle de l’État. Les finances sont monopolisées par l’État.

 

En URSS, le pouvoir est exercé par la « nouvelle classe ». Le Parti communiste, et non le peuple, ni la classe ouvrière, ni les masses populaires. Et ce pouvoir, c’est la dictature du Parti communiste sur tous les autres.

 

À travers l’expérience de la révolution russe, on peut affirmer que dans la pratique, le marxisme-léninisme a dégénéré dans un absolutisme autoritaire, dans un absolutisme idéologique et dans un système concentrationnaire politico-économique.

 

La révolution marxiste-léniniste dans les pays satellites

Les « démocraties populaires » s’inspirant du marxisme-léninisme comme c’est le cas de la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, l’Allemagne de l’Est, la Roumanie, la Tchécoslovaquie – cette dernière malgré sa récente évolution – et l’Albanie elle-même, présentent peu de variantes par rapport à l’URSS dans la partie essentielle du système, des méthodes, des structures et de la vertébration autoritaire dont ce que l’on appelle le pays de soviets est le modèle type.

 

La « démocratie populaire », la « démocratie révolutionnaire » comme la « démocratie bourgeoise », est simplement, « la démocratie » sans adjectif ont un vice originel et un point commun essentiel : -cratie, c’est à dire, autorité, État ; gouvernement. Que l’autorité soit blanche, rouge, noire, bleue, c’est l’autorité, négation ou limitation de la liberté ; quelque chose d’absolument et de fondamentalement incompatible avec l’Anarchie, comme c’est le cas de l’État quel que soit le nom qu’on lui donne, et quelque chose d’également incompatible avec le socialisme de liberté, et avec le communisme libertaire.

 
La révolution yougoslave

Certains ont voulu faire une exception du cas de la Yougoslavie dans le contexte du marxisme-léninisme. Mais, s’il est vrai qu’il existe en Yougoslavie un mécanisme structurel et fonctionnel moins rigide, elle n’échappe pas néanmoins au défaut commun : c’est-à-dire au caractère profondément autoritaire.

 

Certes, l’autogestion dans les entreprises de production existe mais sous le contrôle de l’État et sans que l’on puisse sortir du mécanisme de l’économie planifiée de celui-ci.

 

On peut constater clairement qu’à travers les comités populaires, la Constitution et les lois existantes, et la réglementation et procédés appliqués, il y a une plus grande intégration des masses au mécanisme gestionnaire de l’État, ce qui les aliène, et une centralisation bureaucratique qui, par un mouvement centrifuge absorbe peu à peu l’autonomie locale et encadre la gestion des entreprises et des organismes économiques.

 

Le domaine réservé et supérieur de l’État développe le pouvoir effectif de ce dernier sur tous les autres organismes et la Fédération entière. L’autogestion est sujette à caution et à dépendance. Et les gouvernants yougoslaves eux-mêmes confessent qu’il existe encore dans ce pays de flagrantes injustices.

 

La révolution chinoise

Sous l’impulsion maoïste et en même temps d’inspiration nationaliste et marxiste-léniniste, dans laquelle l’élément paysan prédomine en tant que force de masse potentielle, appuyant les « dirigeants » - ceux-ci au fond révolutionnaires assez pragmatiques malgré leur vernis marxiste – souffrent de tares semblables à celles de la révolution russe.

 

La structuration du pouvoir d’État a suivi sous la direction guerrière et dictatoriale, un processus autoritaire et centralisateur incontestable. La Commune autonome a été sacrifiée. Et la « Comitécratie » des soi-disants « comités révolutionnaires », y compris à travers la « révolution culturelle » a étendu les réseaux autoritaires locaux, provinciaux et centraux. La Chine est un pays « civilement » militarisé. Le Parti communiste, démembré par ses propres luttes intestines, a perdu de l’influence. C’est le fractionnalisme armé plus ou moins lié au « maoïsme » qui prédomine maintenant. De nouveaux cadres « activistes » et des représentants de l’armée, peu sensibilisés par le marxisme orthodoxe préparent leur escalade au pouvoir. La révolution chinoise considérée comme révolution sociale et émancipatrice est aussi une révolution avortée.

 

La révolution cubaine

La révolution cubaine n’est pas une révolution d’inspiration marxiste-léniniste à son début comme la révolution mexicaine de 1910 ne l’était pas. Mais la révolution cubaine, en partie rendue propice par des éléments plus ou moins petits-bourgeois et nationalistes, est tombée peu à peu dans l’orbite théorique du marxisme-léninisme, sans être totalement absorbé par celui-ci.

 

Le mouvement du 26 juillet avec Castro à sa tête entouré de Cienfuegos, de Che Guevara et d’autres, a plus de « pouvoir » et de dynamique révolutionnaire que le Parti communiste cubain. Mais la révolution cubaine est atteinte aussi du virus autoritaire. Diverses circonstances ont influencé l’implantation du marxisme-léninisme hétérodoxe à Cuba. Mais, même ainsi, la mentalité et la psychologie cubaines sont assez rebelles à l’assimilation des thèses et des doses doctrinales spécifiquement marxistes.

 

La révolution est une révolution pour plus de pain et plus de liberté, poussée par une minorité depuis le sommet, minorité dont les lignes directrices ont éveillé un écho dans la paysannerie et les couches populaires. C’est une révolution assez pragmatique, sur un fond autoritaire et dans un certain sens « paternaliste ». Elle peut difficilement déboucher sur l’émancipation effective du peuple et de la classe ouvrière cubaine.

 

Ni le syndicat, ni les travailleurs organisés de l’industrie et de l’agriculture n’ont une influence déterminante à Cuba. C’est la dictature du castrisme qui, ne pouvant s’exercer au nom du prolétariat, dispose de tous les postes d’autorité dans le pays ; l’économie se trouve entre ses mains tout en restant sujette, d’un autre côté, à des hauts et des bas de la fluctuation internationale. Aujourd’hui l’économie cubaine est essentiellement tributaire de l’URSS.

 

À Cuba les différences de salaires existent aussi, bien que moins importantes qu’en URSS et dans d’autres pays satellites.

 

Cuba est un régime d’État, sous la dépendance d’une minorité, bien qu’elle semble vouloir se défendre du fléau parasitaire de la bureaucratie.

 

Le pouvoir local à Cuba n’est pas autonome. Et il se trouve faussé également par un mécanisme « activiste » qui réduit, contrôle et monopolise ses fonctions.

 

Cependant, Cuba est un pays plus perméable aux théories et aux expérimentations de type communiste-libertaire que ne le sont l’URSS et les pays satellites.

 

 

La révolution espagnole

La révolution espagnole de 1936-1939 est la révolution de plus grand contenu, sens et signification libertaires, parmi celles qui se sont produites au XXième siècle, et nous pourrions dire, sans exagération, dans le cours de l’histoire. Elle l’est déjà en tant que lutte consciente d’un peuple et de la classe ouvrière organisée pour son indépendance et contre le fascisme. Elle l’est par l’orientation et la finalité qu’on lui donne depuis la base et par la réalisation directe du peuple d’un type nettement libertaire, par les organismes qu’elle crée, tels que les collectivités et les socialisations, en marge de l’État. Elle l’est par la prise en mains des terres, des usines, des instruments de travail. Par l’organisation de l’économie aux mains des travailleurs. Par l’autogestion dans les usines, les ateliers, dans l’agriculture, dans les services des transports et des communications. Par l’organisation non commercialisée de l’échange de produits, du ravitaillement et de la distribution. Par la création, en fait, de la Commune autonome locale. Par la fédération de ces dernières, d’un commun accord. Elle l’est par le fédéralisme fonctionnel d’organismes et d’institutions détachés de l’étatisme. Elle l’est par l’abolition de la propriété privée rendue effective dans de nombreux endroits. Elle l’est par la suppression du salaire ou par l’égalité de celui-ci en de nombreux points. Elle l’est enfin, par la responsabilité directe qu’assume l’organisation syndicale des travailleurs alliés CNT-UGT indépendamment de l’État et des partis politiques, dans l’autogestion, l’administration et le fonctionnement des organes vitaux de la société.

 

La révolution espagnole acquiert ce caractère libertaire et cette ampleur révolutionnaire et sociale véritables en grande partie grâce à la densité de pénétration et de saturation anarchiste chez le peuple espagnol et dans la partie la plus dynamique et la plus consciente du prolétariat organisé dans la Confédération Nationale du Travail, organisation syndicaliste révolutionnaire, fédéraliste, anti-étatique, et de finalité communiste libertaire, et grâce à la présence active de la Fédération Anarchiste Ibérique, du Mouvement Libertaire Espagnol et des anarchistes et sympathisants en général.

 

Mais alors que la CNT et la FAI, s’efforçaient de donner un caractère et un contenu libertaires de plus en plus grand à la révolution espagnole, les partis politiques faisaient tout leur possible pour la freiner, et le Parti communiste et le Parti socialiste unifié de Catalogne (ce dernier équivalent du précédent), pour la saboter. Les partis politiques, républicains et démocratiques, le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol compris, ne voulaient pas aller au-delà d’une révolution, de signe petit-bourgeois. Le Parti communiste, d’un autre côté, voyant qu’il ne pouvait contrôler la révolution, ni lui donner un caractère marxiste-léniniste, ce qui n’intéressait pas non plus l’URSS dans la conjoncture historique du moment, s’employa à détruire les réalisations collectivistes et à revaloriser les organismes d’État que l’élan révolutionnaire du peuple avait ébranlés mais qui étaient encore debout.

 

L’Union générale des Travailleurs, centrale syndicale influencée par les socialistes continuait de son côté, à se montrer réticente aux audaces et initiatives révolutionnaires de la CNT. Tournées vers une transformation sociale effective. C’était plutôt les ouvriers de l’UGT eux-mêmes, qui, sans tenir compte des consignes officielles des dirigeants ugétistes secondaient avec un certain enthousiasme les initiatives de la CNT. Néanmoins l’anachisme, l’anarcho-syndicalisme n’arriva jamais en Espagne, malgré son potentiel, à pouvoir être de lui-même une force uniquement déterminante, pour que la révolution put triompher. Ce qui fut réaliser par la révolution espagnole sous l’impulsion de l’anarcho-syndicalisme et de la partie la plus dynamique des travailleurs et du peuple espagnol en matière sociale, économique, culturelle et d’organisation de base de la nouvelle société, a une profonde signification libertaire et laisse une empreinte indélébile dans l’Histoire. C’est une source d’études et de réflexion pour tous les révolutionnaires sincères.

 

La révolution espagnole n’a pas pu donner toute la mesure d’elle-même. Le temps matériel luia manqué. Elle fut écrasée nien que pas vaincue, par la croisade réactionnaire et le fascisme international, avant de pouvoir acquérir plus d’ampleur et de donner des fruits plus riches. La révolution espagnole est celle qui a eu la plus belle densité anti-autoritaire grâce au puissant mouvement de la CNT et de la FAI, des anarchistes organisés et grâce à leur dynamisme d’action, à leur sens réaliste (sans éviter toutefois de tomber dans quelques erreurs en partie explicables) ; elle a influencé les masses populaires et les a stimulées dans la gestion directe de l’économie et de la vie sociale, dans les nouvelles formes de travail, émancipées de l’exploitation et du contrôle de l’État ; dans les nouvelles formes sociales de vie en commun libre et solidaire.

 

La révolution espagnole n’a pas pris un caractère jacobin ou totalitaire marxiste-léniniste, surtout à cause de la présence et de l’action du Mouvement Libertaire Espagnol et de son affrontement continuel au Parti communiste.

 

La révolution espagnole, alors que l’État républicain subsiste encore, dans la zone géographique de l’Espagne non tombée au pouvoir du fascisme, est une révolution qui tend à la suppression de l’État, à l’instauration d’une société de producteurs libres, administrés directement par les travailleurs eux-mêmes ; sans exclusives directrices ou dirigeantes venant de partis, sans le totalitarisme d’un parti unique et sans dictature transitoire qu’ils viennent de lui ou d’autres. Tant dans sa finalité que dans ses exemples réels et dans son orientation, la révolution espagnole va au-delà de ce qui a été et de ce que signifie du point de vue historique, social, politique et révolutionnaire, la Commune de Paris de 1871, elle-même, et de toutes les révolutions qui se sont produites ultérieurement.

 

La révolution espagnole est une révolution inachevée et latente, qui conservera pour toujours ses caractéristiques singulièrement originales et son sens profondément libertaire.

 

La défense de la révolution

La défense de la révolution ne doit pas être la tâche exclusive du prolétariat révolutionnaire établissant une dictature : elle doit intéresser tout le peuple et elle doit lui être confiée. Dans cette défense, qu’on le veuille ou non, le rôle de chacune des forces ou minorités révolutionnaires les plus actives et les plus capables de faire sentir leur présence se manifestera naturellement. L’élimination de ces minorités par la plus puissante d’entre elles dans le but de prendre et de monopoliser le pouvoir révolutionnaire : l’affaiblissement de l’action directe populaire et massive, et d’un autre côté elle déchaînera les luttes intestines les plus féroces, la marche accélérée vers la dictature. Une révolution, pour être telle et se sauver, sans frustrations ni mouvements de recul, doit éviter la création de pouvoir politique et de leur institutionnalisation.

 

L’existence des minorités révolutionnaires doit être respectée et on doit arriver à une coexistence sur l’accord formel de suppression de tout pouvoir, de toute autorité ou de tout organisme d’État et de gouvernement.

 

La révolution sociale, pour être une révolution sociale véritablement transformatrice et émancipatrice, qui mette fin aux différences de classes, à l’eclavage économique et à l’oppression politique, doit partir de cette prémisse essentielle. Le postulat axiomatique anarchiste qui dit que l’existence de l’autorité est l’antithèse de la liberté, a eu autrefois, à aujourd’hui et aura demain valeur permanente. Toute révolution qui aura à recourir à la dictature ou au pouvoir d’État pour se maintenir sera étouffée ou dégénérera.

 

Armée ou peuple en armes ?

Même si cela paraît paradoxal pour un peuple comme pour une révolution, la plus grande menace est constituée par son appareil dit de défense s’il s’agit de l’armée. L’armée, même si elle ne l’utilise pas directement ou par voie interposée, possède un pouvoir permanent en puissance. Sa subordination à l’appareil civil en place est circonstancielle et jamais inconditionnelle. Et derrière l’armée apparaîtra toujours le profil du dictateur, ce dernier étant lui-même très souvent téléguidé par des forces connues ou obscures, par des groupes de pression financière, ou par des coalitions de pouvoir élevant les étendards d’idéologies fascistes, « patriotiques », racistes ou « révolutionnaires ». toute démocratie succombe finalement aux moments cruciaux et difficiles, sous la botte du coup d’État militaire. Toute révolution se heurta à l’armée, à l’appareil répressif de l’État ou de la dictature et les affronta au cours de son histoire. L’armée se maintiendra en URSS et en Chine, plus que le Parti communiste lui-même. Et les coups d’État contre-révolutionnaires – nous ne disons pas contre-totalitaires – dans ces pays comme dans les autres, viendront de chefs militaires coalisés, aussi dangereux pour le peuple, pour les travailleurs, pour les libertés humaines que les « directions collégiales exécutives » des partis marxistes-léninistes.

 

L’armée « populaire », professionnelle et permanente, ses cadres d’active et de réserve, constituent toujours une émergence autoritaire, un dispositif de pouvoir générateur de pré-puissances liberticides. Un peuple qui aura constitué une armée ne pourra jamais considérer ses libertés garanties et sûres.

 

Si les marxistes-léninistes exaltent les vertus de l’armée « populaire », nous, anarchistes, nous ne pouvons y adhérer. Nous devons repousser toute forme d’armée, toute militarisation, même si elle prend nom de révolutionnaire, nous devons repousser systématiquement les structures militaires ou paramilitaires.

 

Les milices populaires civiles armées, non permanentes, les guérillas de volontaires, les groupes ou comités de défense et de surveillance, sous le contrôle direct des travailleurs et constitués par eux sans structurations centralisatrices peuvent répondre aux besoins de la défense armée de la révolution, contre le coup d’État contre-révolutionnaire sans jamais perdre de vue qu’elles ne peuvent être considérées, même sous cette forme, que comme un moindre mal. La formule vague de « peuple en armes » même, rendra compréhensible le fait que la révolution ne se trouve ni consolidée ni en sécurité. Elle ne le sera que lorsque le peuple pourra vivre libre, en paix et en harmonie, sans corps armés pour le défendre, parce qu’il sera lui conscient et effectivement capable d’auto-défense par lui-même, contre tout ennemi intérieur et extérieur.

 

Relativités de l’efficacité

Face aux anarchistes, les marxistes-léninistes, devant ce qu’ils considèrent comme une victoire de leurs méthodes en URSS et en d’autre endroits, présentent l’argument de la valeur, de la supériorité, de l’efficacité de ces méthodes du point de vue révolutionnaire. Les anarchistes, affirment-ils, n’ont gagner aucune révolution. Leurs méthodes de lutte sont infantiles. Nous, disent-ils, nous pouvons présenter les exemples d’une révolution triomphante en URSS, grâce surtout au Parti communiste et à son rôle dirigeant.

 

Cet argument est faux. Premièrement, parce que la révolution russe n’est pas l’oeuvre exclusive du Parti communiste, mais celle du peuple russe. Deuxièmement parce que le Parti communiste s’est imposé au peuple par la dictature. Troisièmement, parce que ce triomphe c’est celui du Parti communiste étranglant la révolution populaire et enchaînant de nouveau le peuple, après que celui-ci ait abattu le tsarisme. Personne ne peut affirmer sérieusement que le marxisme-léninisme ait libéré le peuple russe et les citoyens russes.

 

Cinquante ans après sa victoire, le Parti communiste n’a pas encore pu reconnaître certaines libertés essentielles et certains droits élémentaires, reconnus jusque par des régimes étatiques et capitalistes eux-mêmes, tels que la libre expression de la pensée, le droit à la libre association, celui de réunion, celui de propagande, etc...

 

L’efficacité des méthodes lénino-marxistes- staliniennes du point de vue de la Liberté et du respect de la personnalité humaine au bout de cinquante ans d’expérience réelle reçoit un démenti formel dans la pratique.

 

On ne saurait reprocher un échec semblable à l’anarchisme, qui, s’il est vrai, n’a encore triomphé dans aucun pays et qui ne peut triompher, si le peuple et l’individu ne triomphent pas, si les hommes et la société ne se libèrent pas eux-mêmes et démontrent leurs capacités, leurs aptitudes et leur volonté d’être libres.

 

L’expérience de l’efficacité des méthodes de liberté préconisées par l’anarchisme, leur valeur dans les applications partielles réelles et pratiques là où elles ont été essayées, dans une ambiance défavorable et des situations pas encore assez mûres pour une complète et vaste expérimentation anarchiste populaire, se manifestant de façon consciente et spontanée, non dirigée, reste intacte. Sa valeur permanente représente une promesse et un espoir, une confiance aussi, quant au devoir humain et quant à un futur formé et forgé par la raison, la conscience, la science, la capacité, l’équilibre sain et vital de l’homme considéré intégralement, maître de lui-même et de son destin, des propres révolutions qu’il déchaîne, des transformations qu’il crée, homme et non mécanique ou robot des forces aveugles et fatales, des mythes ou des institutions, de structures esclavagistes et autoritaires qui jusqu’à maintenant ont prédominé dans l’histoire et ont empêché l’humanité de vivre en paix, libre et heureuse au milieu de l’abondance et de la pratique de la solidarité et de l’entraide.

 

Marxisme et anarchisme

Il est nécessaire de préciser que l’anarchisme et le marxisme sont entièrement opposés et différents, dès l’origine, et qu’on ne peut envisager un bon marxisme avec lequel nous pourrions trouver des terrains d’entente et nous allier. L’application actuelle du marxisme n’est pas une déviation, c’est le marxisme dans sa réalité.

 

Par son absence de nouvelle morale, par son écrasement de l’individu au profit d’une classe privilégiée, le marxisme est incapable d’offrir à l’homme, aux hommes, des solutions viables. L’anarchisme dans son universalité a une économie, une politique, une morale qui lui sont propres et qui se suffisent. Vouloir mélanger le marxisme et l’anarchisme, c’est méconnaître profondémment l’anarchisme, en avoir une vue superficielle.

 

Dans ce sens nous ne concevons aucune similitude entre l’anarchisme et le marxisme.

 

Conclusions

Le marxisme a contribué sans aucun doute à la critique de l’économie et de la société bourgeoise, politique et juridique, ce dont il ne détient pas l’exclusivité car d’autres critiques non marxistes, parmi eux les socialistes appelés utopistes et les penseurs et sociologues anarchistes et d’autres écoles, y ont contribué également avec sérieux et certains ont même anticipé sur Marx et Engels et évidemment sur Lénine lui-même, dans cette critique et dans la formulation de certaines théories dont le marxisme lui-même s’est emparé ou a développé. Mais le marxisme, même à l’intérieur de son criticisme du régime bourgeois, a contribué à élever le culte de l’économie politique, deus ex machina pour lui, du développement de l’Histoire, négligeant le facteur humain et le subordonnant au mécanisme et au déterminisme fataliste des forces économiques.

 

Le marxisme-léninisme-stalinien a été un « destructeur d’idéologies » pour se convertir dans la pratique en un monopolisateur d’un super-monisme idéologique, permanent et stéréotypé.

 

Le marxisme a été incapable de créer, de former, d’engendrer, de fonder, de définir et de faire vivre de nouvelles valeurs humaines de liberté, de dignité individuelle, d’éthique libre, sans sanction ni obligation, d’humanisme solidaire et de relation sociale sans autorité. Peut-on parler alors de défaite et d’échec du marxisme-léninisme ? Du point de vue révolutionnaire d’instauration du socialisme et du communisme au moyen de la « dictature du prolétariat » et de l’exercice du pouvoir par les marxistes-léninistes, la réponse est affirmative. Son échec est complet.

 

Ni les méthodes, ni la tactique, ni la stratégie marxiste-léniniste, ni sa ligne de conduite, ni ses schémas et fondements doctrinaux, ne conduisent au socialisme et au communisme libres, ni à la libération effective des hommes et des peuples. Son échec est aussi flagrant et évident que celui de la social-démocratie réformiste et celui de la démocratie bourgeoise, pour créer une société juste et libre de respect total envers la personnalité humaine et pour la dignité de l’individu. L’anarchisme continue et continuera à assumer, face à l’avenir, un rôle considérable et transcendant dans l’humanité et dans les transformations et les révolutions sociales futures.

 

L’anarchisme, sans ignorer les influences du matérialisme historique, place l’homme comme facteur primordial et essentiel de son propre destin individuel et social, et comme moteur et accélérateur de l’Histoire. Comme être pensant et conscient, comme volonté en action, avec pouvoir transformateur en biologie sociale, pour créer son propre milieu avec les ressources de la Nature dont il dispose, avec leur utilisation et leur transformation au moyen de son effort, de son travail, de son savoir, de sa technique et de sa science en s’appuyant sur une nouvelle morale humaniste et solidaire, et en donnant au développement historique son rythme volontariste intense, le revivifiant avec ses propres sources d’inspiration et concrétisant dans le réel les formes des nouvelles structures sociales perfectibles, toujours en progression ascendante vers un futur illimité de bien-être et d’harmonie universelle. Mais l’erreur la plus fatale des anarchistes serait de s’endormir ou de s’arrêter sur sa lancée ; de perdre leur combativité de lutteurs pour la liberté ; de laisser s’émousser leur volontarisme révolutionnaire et de méconnaître la valeur offensive, défensive et créatrice du Mouvement anarchiste en action permanente, de l’organisation fédérative et autonome spécifiquement anarchiste, de l’élan individuel et collectif associés dans un milieu anarchiste où à anarchiser.

 

Les anarchistes doivent se manifester dans le présent et dans le futur avec un élan et une énergie anarchistes plus grands pour faire face aux réalités nouvelles, à l’avant-garde de tous les autres mouvements révolutionnaires, donnant des preuves constantes de leurs capacités constructives, et rester fidèles essentiellement aux principes fondamentaux de l’anarchisme qui ont une valeur actuelle et permanente.

 

Ce n’est qu’ainsi que, nous, les anarchistes, serons à la hauteur du grand rôle historique que l’anarchisme militant est appelé à jouer. Ce n’est qu’ainsi que nous aiderons et que nous contribuerons à traduire dans les faits la prophétie subtile, lucide et pleine d’espoir de Bovio : « la pensée est anarchiste et l’Histoire se dirige vers l’anarchie ». Que cela devienne une réalité dans l’humanité et dans le temps, dépend principalement des anarchistes eux-mêmes, de leur action et effort permanents et incessants de nos jours et dans l’avenir.

 

L’organisation de l’économie dans une société anarchiste

Motion adoptée au 1er congrès de l’Internationale des Fédérations anarchistes réunie à Carrare les 31 août et 1, 2, 3, 4 et 5 septembre 1968

 

Il importe de nous poser d’abord la question de principe: est-il nécessaire et opportun de présenter, d’une façon plus ou moins précise, l’organisation de la société à venir ? Les libertaires répondirent toujours par l’affirmative, et tentèrent de scruter l’avenir. Les marxistes, par contre, refusèrent d’aborder le problème, dissimulant leur manque d’idéal et d’imagination derrière un soi-disant matérialisme historique et nous qualifièrent d’utopistes.


En réalité, il n’y a de meilleur réalisme que celui des révolutionnaires qui, en critiquant la société actuelle, avancent une idée précise de celle qui doit la remplacer.

 

Kropotkine écrivait dans « La science moderne et l’anarchie »

« Aucune lutte ne peut avoir de succès, si elle reste inconsciente, si elle ne se rend pas un compte concret, réel, de son but. Aucune destruction de ce qui existe n’est possible, sans que, déjà pendant la période de destruction et des luttes menant à la destruction, on ne se représente mentalement ce qui va prendre la place de ce qu’on veut détruire. On ne peut pas faire une critique théorique de ce qui existe, sans se dessiner déjà dans l’esprit une image plus ou moins nette de ce que l’on voulait voir en lieu et place de ce qui existe. Consciemment ou inconsciemment, l’idéal - la conception du mieux-être - se dessine toujours dans l’esprit de quiconque fait la critique des Institutions existantes »

 

Révolution sociale et libertaire indispensable

L’organisation de l’économie à orientation et finalité libertaire, ainsi que son développement, nécessitent un changement radical du système capitaliste et du système communiste étatique imprégné des principes marxistes-léninistes. Ce changement implique nécessairement : - abolir et dépasser ces deux systèmes ; - jeter les bases fondamentales de la nouvelle économie et de la société anarchiste ou du vrai socialisme en marche vers celle-ci.


Pas plus la société anarchiste que la société communiste libertaire ne se réaliseront par enchantement en un jour, ni de façon synchronisée sur le plan mondial, à une phase donnée de l’histoire universelle. La révolution ne sera pas au même niveau dans un pays et à plus forte raison dans tous les pays à la fois. Elle ne pourra pas non plus être uniforme, faite sur un type unique, les conditions géographiques, ethniques, démographiques ainsi que l’état de développement de l’industrie, des richesses naturelles, l’existence ou non de matières premières, les possibilités agricoles, la mentalité, la culture... etc., influeront dans les différentes constructions de cette révolution, et cela, malgré l’orientation libertaire. En effet, selon son implantation, en plus des différences possibles déjà notées, le système apparaîtra dans chaque pays sous des aspects multiples et divers, à la recherche Incessante d’une perfection et d’un équilibre harmonieux.

Il n’en reste pas moins que les caractéristiques essentielles de la société anarchiste ainsi que les moyens et procédés pratiques et efficaces pour y arriver, doivent se manifester avec clarté et vigueur - pour avoir prise sur la réalité - des aujourd’hui en vue d’éclosions futures.

Les buts de la nouvelle économie libertaire et de la Société anarchiste doivent être la liberté et le bien-être de tous, dans un milieu d’égalité social et de solidarité humaine.

- Pour les réaliser, l’Etat doit nécessairement disparaître, ainsi que toute dictature, fut-elle transitoire. Il faut supprimer toutes les Institutions autoritaires du capitalisme, de la propriété privée, tous les procédés d’exploitation et d’oppression de l’homme par l’homme, les classes sociales, hiérarchies, privilèges, ainsi que le salariat.

Bien sûr que, malheureusement, la révolution sociale rencontrera des grands obstacles dans un pays, mais elle doit aller Immédiatement au fond des choses, surtout dans le domaine économique. (Elle doit se préoccuper surtout de l’organisation du travail et de la société). Il faut faire passer dans la réalité de tous les jours le maximum de réalisations libertaires donnant ainsi un certain nombre d’idées et d’initiatives importantes qui se développeront par la suite.


Le leitmotiv doit être pain, liberté, habitation, culture et loisirs pour tous.

 

« De chacun selon ses moyens et à chacun selon ses besoins».

 

Il faudra détruire tous les obstacles intérieurs qui s’opposeront à la libre organisation de la Société nouvelle. Il ne faudra pas beaucoup compter sur la solidarité révolutionnaire mondiale pour appuyer une révolution dans quelque pays que ce soit, surtout si elle se présente comme anarchiste. Toute aide des blocs mondiaux prédominants sera évidemment un effort de satellisation.

De plus il faut compter sur le fait qu’un changement révolutionnaire profond produit une période de marasme économique, de tâtonnements, de réajustement des structures, tout cela mettant à l’épreuve la capacité révolutionnaire du pays, surtout dans ses qualités à construire.

 

Assurer l’existence et le libre fonctionnement de la société

Dès le premier moment, il est nécessaire d’assurer la production, l’investissement le ravitaillement, la productivité sans exploiter le producteur, sans le maintenir soumis à des journées de travail épuisantes.

Le triomphe immédiat de la révolution sociale et sa consolidation, dépendra pour beaucoup de la capacité révolutionnaire et libertaire des travailleurs (capacités sociales, économiques, culturelles et idéologiques).

Le facteur essentiel de l’ordre nouveau doit être l’homme libre et conscient de lui-même.

Aucun type d’économie actuelle ne convient à l’anarchisme. Notre finalité est de vivre en liberté et de faire tout pour quo tous -les êtres puissent en jouir, à égalité de conditions. La seule limite étant ce que la terre, la nature et l’effort solidaire des hommes pourront fournir.

 

Conception de l’anarchisme social

Pour les mêmes raisons, notre conception du socialisme intégral est simple et non exhaustive, ni uniforme dans ses possibilités et modalités pratiques. Et si nos préférences vont vers le communisme libertaire, comme système ouvert et perfectible, nous ne refusons systématiquement - mis à part, bien sûr, les régimes bourgeois et totalitaires - aucun autre mode d’organisation sociale, qui peut être de type mutualiste, collectiviste, coopératif, pourvu qu’ils éliminent toute exploitation de l’homme par l’homme.

La liberté d’expérimenter différents systèmes économiques dans une société en voie de transformation, selon les principes anarchistes, doit être assurée sous condition qu’une planification librement et fédérativement élaborée et -librement consentie, garantit la production des biens nécessaires et le fonctionnement normal des services essentiels, afin de satisfaire les besoins de tous selon les possibilités de l’époque.

 

Liberté d’expérimentation

L’expérimentation et la coexistence de différents types de socialisation, sont
- mutualiste (Proudhon) ;
- collectiviste (Bakounine-Mella) ;
- communiste (Kropotkine-Malatesta) ;
- coopérativiste (non commercialisée).


A n’importe quelle échelle, peut être possible dans le système libertaire à condition de respecter le principe anti-autoritaire qui a pour corollaire l’autonomie, le fédéralisme et la solidarité.

D’un point de vue libertaire, cela est particulièrement logique puisque sa pensée est que Me formes sociales ne doivent pas stagner et qu’aucune structure économique ne peut être considérée comme définitive et immuable.

Créer toujours les conditions optimales pour le plein développement de la personnalité humaine, telle doit être l’orientation et le but de la société anarchiste.

 

Esquisses sociales et économique de la pensée libertaire

L’économie ne peut se développer sans base sociale. Les nécessités de la vie en société font que les hommes se voient dans l’obligation de chercher un principe régulateur, pour la rendre au moins compatible. Il faut donc un pacte ou un contrat librement consenti, accepté librement et consciemment, et appliqué de la même manière.

Dans la conception anarchiste - du moins celle qu’admet la base organisatrice par pacte libre - le communisme libertaire est le système le plus adapté au développement d’une société voulant vivre sur les principes précédemment cités.
Base de la nouvelle société : la commune libre

 

« L’idée de communes indépendantes pour les groupements territoriaux, et de vastes fédérations de métiers pour les groupements par fonctions sociales - les deux s’enchevêtrant et se prêtant appui pour satisfaire les besoins de la société - permit aux anarchistes de concevoir d’une façon concrète, réelle, l’organisation possible d’une société affranchie. Il n’y avait plus qu’à y ajouter les groupements par affinités personnelles - groupements sans nombre, variée à l’infini, de longue durée ou éphémères, surgissant selon les besoins du moment pour tous les buts possibles - groupements que nous voyons déjà surgir dans la société actuelle, en dehors des groupements politiques et professionnels.
Ces trois sortes de groupements, se couvrant comme un réseau les uns les autres, arriveraient ainsi à permettre la satisfaction de tous les besoins sociaux la consommation, la production, et l’échange; les communications, les arrangements sanitaires, l’éducation; la protection mutuelle contre les agressions, l’entr’aide, la défense du territoire; la satisfaction, enfin, des besoins scientifiques, artistiques, littéraires, d’amusement. Le tout - toujours plein de vie et toujours prêt à répondre par des nouvelles adaptations aux nouveaux besoins et aux nouvelles influences du milieu social et intellectuel.
Si une société de ce genre se développait sur un territoire assez large et assez peuplé pour permettre la variété nécessaire des goûts et des besoins, on s’apercevrait bientôt que la contrainte par l’autorité, quelle qu’elle soit, y serait inutile ».
Pierre KROPOTKINE (« La Science Moderne et l’Anarchie »).

 

La cellule vivante de la nouvelle organisation sociale libertaire, en plus de l’individu, du groupe, de la collectivité, du syndicat, est pour noue, te commune libre.

La commune libre, constituée par tous et par chacun des citoyens, peut jouer un rôle de coordination sociale générale, du point de vue purement administratif, non pas un rôle de pouvoir ou d’institution politique,, mais au contraire de service social, dans le secteur local. Ses fonctions doivent se conformer aux accords et décisions prises par les assemblées communales libres sur assentiment commun. On doit arracher tout autoritarisme et toute bureaucratie de l’organisation communale.

Des fédérations communales et nationales de communes libres pourront se constituer sur le plan général d’un pays ou d’une zone géographique et ethnique déterminée; elles pourront se confédérer internationalement.

La commune ne doit en aucune manière posséder le pouvoir politique ; encore moins militaire, celui-ci devant disparaître totalement. Elle ne doit même pas détenir le pouvoir révolutionnaire, Tout pouvoir politique doit être aboli et nul ne doit l’exercer. Il ne doit pas y avoir non plus dans la Commune de propriété économique qui fasse de ses limites géographiques ni de ses bornes historiques un champ clos ou un fief. Toute commune doit être ouverte à la solidarité. Elle doit se pratiquer, la recevoir aussi, se fondant sur le principe qui veut que toute richesse naturelle, crée ou fabriquée, tout produit, outil ou matériel, constituent un patrimoine commun qui reste à la disposition de tous. La jouissance de ce patrimoine n’est réglée que par les normes collectives établies librement et collectivement.


Du syndicat révolutionnaire et de ses fonctions

L’organisme qui dans la société socialiste peut le mieux assurer l’organisation du travail, est le syndicat de caractère syndicaliste révolutionnaire, constitué par les travailleurs libres de l’industrie, de la terre, de la mine, des laboratoires, des centres de recherche, par ceux des branches techniques spécialisées. Les syndicats, groupés par branches d’industrie, en fédérations locales, communales, régionales et internationales, et administrant directement; sous leur contrôle conscient, fabriques, ateliers, exploitations agricoles, mines, chantiers navals, instituts scientifiques et technologiques, sont des organismes capables d’assurer la production de tous les articles et éléments indispensables à la société et à ses composants, en fonction des besoins qui se feront sentir et qui se présenteront, l’objectif poursuivi étant, bien entendu, la création de l’abondance par la participation de chacun à l’effort commun, selon ses forces et ses capacités, sans l’exploitation de personne et sans privilège aucun. Toutes les ressources matérielles, économiques et techniques, les produits manufacturés, les produits agricoles, maritimes, le cheptel, etc., devront être mis à la disposition de tous, par l’intermédiaire des organismes adéquats, pour la distribution, le change et la répartition les plus justes.

Les fédérations de syndicats pourront se former par catégories de production, soit industrielle, agricole, etc., ou par services publics : postes, téléphones; transports et autres.

La révolution sociale, avec la disparition de la bourgeoisie et des structures capitalistes et autoritaires, devra établir un ordre économique nouveau, ordre qu’implique forcément d’autres modalités de travail, des règlements nouveaux des fabrications, des reconversions professionnelles, des spécialités distinctes de production.

Les syndicats par profession ou industrie ne devront disposer d’aucun pouvoir politique; ils ne devront posséder aucune fabrique, machine, aucun produit fabriqué. On ne doit pas laisser germer la propriété corporative dans la société anarchiste ou communiste libertaire.

L’autogestion doit avoir pour travail fondamental d’organiser la meilleure et la plus rationnelle organisation du travail et de la fonction productive, contrôlée par un sentiment élevé de responsabilité Individuelle et professionnelle consciente et volontaire.

Les comités ou commissions d’autogestion de l’usine, de l’entreprise de l’atelier ou de la collectivité productrice, doivent être nommés directement par le personnel même de l’usine; elles doivent être révocables à tout instant et renouvelées fréquemment. On doit débusquer la bureaucratie en tous les endroits où elle peut s’implanter. Il ne faut jamais donner non plus de pouvoir de commandement au personnel technique ou qualifié de la spécialité concernée.

Nous sommes opposés au principe de « tout le pouvoir aux syndicats ; nous nous refusons aussi à donner le commandement à un technicien ou spécialiste chargé de la responsabilité d’une tâche. En effet, celui-ci doit considérer les autres travailleurs sur un plan d’égalité morale et effective, comme homme et producteur, coopérant dans une entreprise commune au service du bien général.

 

Sur la salaire ou rémunération

Si nous, anarchistes, avons pour but de supprimer l’exploitation de l’homme par l’homme, d’abolir les classes et le salariat, nous ne pouvons, par simple logique de pensée, maintenir un type de salaire et de catégories salariales pour le travail effectué.

Les problèmes posés par la suppression du salariat sont nombreux et variés. Chercher les procédés de rémunération par unité ou spécialité du travail, ne serait pas non plus une solution libertaire et encore moins compatible avec un haut sentiment de justice et de solidarité humaine.

Partant de ce raisonnement, nous sommes partisans de l’application du principe : « de chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins ». Nous considérons en effet que le travail de chacun donne droit à la satisfaction des nécessités personnelles; il permet de se procurer librement ce qui est Indispensable à chaque personne, dans les magasins, coopératives ou centres de distribution.

Le fait d’être travailleur ou producteur - comme les malades, invalides, vieillards ou enfants - donnera et permettra de bénéficier de tous les services communs. La socialisation de ces services, comme ceux de l’habitat, de la santé, des loisirs et des spectacles doit être considérée comme une des formules les plus accessibles pour atteindre ce but.

Chaque être humain valide doit être assuré d’une place, d’un emploi dans l’organisation commune ou collective du travail. Ceci est un droit inaliénable reconnu et établi par la société anarchiste, par la nouvelle organisation sociale communiste libertaire.

 

Distribution et consommation

L’organisation sociale, que nous détendons et que nous préconisons, ne saurait avoir pour but un bénéfice Industriel ou commercial, monopolisé par un groupe, un clan, une entité ou un organisme quelconque. Elle recherche, au contraire, le bien commun, à l’intérieur de la fédération ou des associations de travailleurs libres et solidaires.

D’un autre côté nous convenons que les formes et les mécanismes économiques de la société anarchiste ne doivent pas s’encastrer dans une armature rigide dans un régime monolithique aux structures inamovibles.

Respectant le principe fondamental de la non-exploitation de l’homme par l’homme, de la communauté des richesses, des biens, des terres, des machines et des produits, tout doit être mis à la disposition de chacun et de tous.

Ainsi le pain, la culture, la liberté ou l’indépendance dans l’union et dans la solidarité, resteront mieux garantis et mieux assurés pour tous.

La distribution générale coordonnée et détaillée de produits agricoles et manufacturés pourra être assurée par les associations ou les fédérations de consommateurs, à partir de magasins d’approvisionnement et de fournitures en gros, dans lesquels les syndicats de production et les collectivités pourront déposer leurs produits.

La distribution au détail, exempte de tout mercantilisme, sera assurée par les coopératives de consommation et par les économats et centres qualifiés.

 

Organismes de la révolution : les collectivités

Les collectivités de production et même les collectivités mixtes de production et de consommation, surtout dans le domaine agricole, peuvent jouer un rôle important parmi les facteurs efficaces de développement de la nouvelle économie, en tant qu’organismes vitaux fonctionnant sur le principe de la libre coopération dans la nouvelle économie solidaire, sans mercantilisme ni concurrence.

Jusqu’à aujourd’hui, sur le plan expérimental, on peut citer, comme exemple pratique et efficace de la réalisation collectiviste-communiste, les collectivités de type libertaire durent la révolution espagnole; dans une situation donnée de transcendantal réalisme historique, elles se révélèrent être des organismes efficients pour assurer le développement économique d’un pays, surtout lorsqu’elles purent fonctionner do concert avec les syndicats et autres organismes communaux, complémentaires les uns des autres, et taisant face réunis eux besoins économiques et sociaux de la nouvelle société.

 

Conseils économiques et sociaux

Pour compléter les informations et les actions nécessaires au bon fonctionnement de cette économie, on peut adjoindre à ces collectivités des conseils d’économie sur les plans locaux, régionaux et nationaux. Le tout débouchant sur le conseil général de l’économie nationale fédérée. Ces organismes permettant une organisation plus parfaite, une meilleure coordination des renseignements sur des expériences nouvelles et de plus grandes possibilités pour le développement économique et l’exploitation de nouvelles richesses en commun :

Les conseils économiques n’auraient qu’une mission consultative et de recherche, et non exécutive; - les membres de ces conseils, qui pourraient être appelés conseils sociaux et économiques, seraient désignés à type temporaire et seraient révocables. Ils pourraient être désignés par la commune, les syndicats, les coopératives et centres de consommation, les organismes techniques et culturels.

Les conseils sociaux et économiques pourraient être les suivants : alimentation, habitation.habillement, production, agricoles, mines, pêche, transports, communications presse, librairie, industrie métallurgique et sidérurgie, eau, électricité, forces hydroélectrique et nucléaire, industries chimiques et les diverses branches de la verrerie et céramique, du bols, de la construction, de la santé, de la culture, arts et loisirs, sciences, investigations, techniques, échanges, relations extérieures, importation et exportation. Tous ces conseils formant avec ces diverses ramifications, sans aucun centralisme, un conseil général de coordination et solidarité.

Ce Conseil fonctionnerait par action d’en bas, de la base sur le haut, et n’aurait aucune fonction exécutive.

Il est bien entendu que cette liste de conseils n’est pas exclusive et que selon les besoins des diverses spécialités seront créés les conseils nécessaires; tout cela se faisant d’un commun accord entre les intéressés, directement et sans aucune obligation.

 

Considérations générales

En ébauchant cette série de formules, nous avons eu pour souci principal d’éviter les influences des réminiscences autoritaires, les tendances centralisatrices et le désir de donner à la liberté, à l’autonomie, un contenu vivant, structuré, fonctionnel, pratique et stimulateur pour un incessant progrès.

Nous prenons comme fondement de la dynamique sociale l’être humain, considéré comme unité autonome associée volontairement à la communauté.

Dans les étapes de réalisation du communisme libertaire, alors que la production n’a pas atteint une cadence suffisante, il y aura lieu évidemment de réaliser l’indispensable régulation de la distribution qui devra être la plus rationnelle et la plus juste possible.

On peut aussi garder, pendant un certain temps, un système de rémunération, mais à condition qu’il soit égalitaire, car sinon les égoïsmes, les inégalités resurgiraient et, à la longue, on tomberait fatalement dans les injustices, les rancunes et recréerait les inégalités.

L’existence de l’argent, si controversée, doit se terminer.Et en établissant un système de bons, on doit éviter la centralisation dans un organisme de type bancaire. Ces bons, émis par la Commune, ne doivent pas avoir une valeur d’acquisition générale.

Il faut éviter l’accumulation, de quelque nature qu’elle soit - accumulation d’une commune, d’une collectivité ou d’une entreprise plus puissante, d’une région plus développée - ainsi que la centralisation et la monopolisation.


Lorsque la nécessité d’un plan économique général se ferait sentir, il ne pourrait se réaliser qu’après accord de toutes les parties intéressées. Car si la volonté générale s’imposait et se manifestait, avec I’omnipotence d’un pouvoir effectif et indiscutable, on créerait de cette manière-là les conditions pouvant alors donner un nouveau régime d’oppression, et la révolte surgirait alors comme réaction défensive inévitable.

La société doit être comme un organisme vivant dans lequel les cellules, tous les organes accomplissent leurs fonctions, pour assurer la vie. Mais avec la différence essentielle que dans cet organisme social l’homme se manifeste de façon autonome, contribuant par son Individualité à l’enrichir et à le vitaliser et de plus à lui donner conscience avec son intelligence, sa raison et ses connaissances: en lui donnant en plus un développement harmonieux et ascendant.


Loin de nous, l’idée de définir de façon immuable les bases sociales éthiques et économiques de l’anarchisme. Mais nos définitions échappent au moins à un grand danger, en n’utilisant pas le mot politique, à cause des confusions auquel il se prête.


Nous savons bien que l’histoire ne suit pas une ligne ascendante et continue mais qu’elle avance de façon discontinue en résolvant ses contradictions. Les formes sociales et te développement de la pensée humaine se dépassent et se renouvellent ainsi sans arrêt la vie sociale et ses formes.

C’est la propre dialectique de la vie qui crée les germes qui font avancer l’humanité.

Conscients de cela, nous, anarchistes, nous luttons pour toutes les audaces sociales et nous maintenons vivant et actif l’esprit révolutionnaire. Nous ne traçons aucune limite à ce développement.

 

Proposition adoptée

Le congrès anarchiste adopte, dans le principe, pour la soumettre ensuite à l’avis des fédérations anarchistes des divers pays, la proposition de la nomination d’une commission ou la création d’un Centre international d’études sociales et économiques anarchistes, afin de compiler et de mettre à jour ce qui a été écrit de plus fondamental sur le thème « L’organisation de l’économie dans une société anarchiste ou durant l’étape de transition révolutionnaire vers l’anarchie ». Ainsi on pourrait recueillir les éléments proposés par tes diverses fédérations anarchistes, ceci afin de rechercher les solutions les plus adéquates à la transformation du monde en marche vers la société anarchiste.

 

Août-septembre 1968.

Les libertaires, le mouvement ouvrier et les organisations ouvrières nationales et internationales

Le congrès, après avoir entendu les diverses motions présentées par les délégués des Fédérations anarchistes réunies au congrès de Carrare, constate qu’à travers les diverses nuances observées, il existe une identité de critère en ce qui concerne la reconnaissance de l’importance décisive du mouvement ouvrier organisé dans la vie sociale et la nécessité de l’imprégner, chaque jour davantage de la conception révolutionnaire de la transformation de la société que représente l’anarchisme.

 

Il constate ainsi que le mouvement organisé joue un rôle prépondérant dans le développement, et non seulement sous l’aspect des revendications immédiates, mais aussi pour créer, au sein même de la société capitaliste, ce que seront demain des formes révolutionnaires de la société à venir.


Les syndicats furent, en Espagne et dans d’autres pays qui ont traversé des périodes révolutionnaires, les instruments les plus efficaces pour la reconstruction sociale.


Les faits historiques montrent que, même lorsque le syndicalisme se limite à une fonction purement défensive des intérêts de la classe ouvrière, il s’affronte avec le capitalisme et avec l’État et il se voit obligé de faire face à des situations révolutionnaires. Le congrès doit ainsi signaler la situation d’une bonne part du mouvement ouvrier tombé, dans de nombreux pays, dans le corporatisme d’État ou dans des formes les plus aigues du réformisme qui, de fait, a converti les syndicats en instruments de l’État et du capitalisme privé ou étatique. Nous signalons, pour illustrer cette constatation, ce que sont les syndicats en Union soviétique, dans les pays de l’Est, en Espagne, aux États-Unis, dans les diverses républiques d’Amérique latine et dans d’autres pays. A ceci, nous devons ajouter la dépendance où se trouvent de nombreuses centrales syndicales dirigées et dominées, les unes par les partis politiques, les autres par l’Église.


Le congrès déclare que les anarchistes, et même dans les pays où ils parvinrent à créer des organisations anarcho-syndicalistes, n’ont jamais joué dans celles-ci un rôle directeur. Ils travaillent comme ouvriers manuels ou intellectuels au sein des syndicats et tentent de convaincre les travailleurs par la propagande et par l’exemple, les orientant dans un sens révolutionnaire, leur montrant le chemin à suivre pour parvenir à l’émancipation intégrale, en respectant toujours la pleine indépendance des organisations.

 

Dans ce sens, il faut reconnaître l’oeuvre réalisée par les organisations syndicales en Espagne, en Bulgarie, en Italie, en Argentine, en France (il ne faut pas oublier que la CGT fut fondée par les syndicalistes révolutionnaires) et dans d’autres pays, avant la première guerre mondiale, où l’AlT comptait avec des sections importantes. Aujourd’hui, l’AIT continuatrice de la Première Internationale, quoique amoindrie par la destruction de certaines de ses sections par le fascisme et le totalitarisme, continue de défendre les principes et les tactiques de la Première Internationale, étant la seule organisation de caractère mondial à avoir échappé aux déviations réformistes ou totalitaires.


Le congrès estime que les anarchistes, selon leurs possibilités et les caractéristiques des divers pays où ils se trouvent, doivent s’efforcer d’agir dans le mouvement ouvrier, maintenant des relations fraternelles avec les sections de l’AIT et s’intégrant avec elles ou en créant, où elles n’existent pas, des sections actives de propagande et d’action libertaire dans les milieux ouvriers susceptibles d’être influencés.


Recommande aussi que l’internationale des Fédérations anarchistes maintienne des relations et collabore en actions préalablement concertées avec l’AIT.

Le congrès constate, à travers les faits, que seul, lorsque les masses laborieuses, sont réunies en organisations syndicales indépendantes à finalité révolutionnaire, et que seul, lorsque les anarchistes pourront s’appuyer sur l’action ouvrière, il sera possible de transformer la condition sociale des travailleurs et de tous les hommes en général.



Carrare, le 2 septembre 1968