Vers un renforcement des luttes anti-nucléaires ?

23-06-2015

Fin mai 2015 le réseau « Sortir du nucléaire » a reconnu la nullité de l’éviction du Conseil d’administration (CA) et du licenciement d’un ancien porte-parole du réseau, Stéphane Lhomme, survenus en 2010.
Pour bien comprendre l’enjeu, il est nécessaire de faire un bref rappel historique.



Le réseau fut fondé en 1997. Les objectifs étaient de mutualiser les moyens et amplifier les luttes. Pendant dix ans, le réseau a su créer une réelle dynamique contestataire, appuyée sur près de 1 000 groupes et 80 000 personnes.
C’est dans cette période que la Fédération anarchiste a décidé d’intégrer le réseau, d’autant plus que beaucoup de ses militants participaient à ces luttes, certains depuis les premières actions en France contre le nucléaire militaire et civil - centrale de Bugey (1970-1971), fûts radioactifs fissurés à Saclay (1972), Plogoff (1978-1981) - à une époque où la plupart des organisations politiques appuyaient le choix nucléariste de l’État gaulliste. 



Mais le réseau s’est peu à peu transformé en une structure centralisée, dotée de moyens importants et s’appuyant sur une équipe de 17 salariés. Cette professionnalisation de l’action militante a conduit à dénaturer les dispositifs démocratiques internes et les objectifs du réseau.
Cette grave dérive s’est concrétisée en décembre 2009 quand le directeur du réseau, appuyé par la majorité des salariés, a décidé de licencier Stéphane Lhomme. En effet, celui-ci remettait en cause la décision du CA de signer un texte intitulé « L’ultimatum climatique » envoyé à Nicolas Sarkozy, demandant à celui-ci de « prendre la tête du combat contre le dérèglement du climat » et dans lequel ne figurait aucun rejet de l’énergie nucléaire.
Début février 2010, le CA refusant ce licenciement, une AG extraordinaire « soigneusement » préparée par la direction du réseau décide de révoquer le CA pour le remplacer par un Conseil plus docile. Ce nouveau CA licenciera Stéphane Lhomme.
Deux procédures furent alors engagées, une par Stéphane Lhomme devant les prudhommes, une autre devant la justice civile par 3 des administrateurs révoqués.



De nombreux groupes et organisations, dont la Fédération anarchiste, ont alors quitté le réseau, ne pouvant accepter ni ce fonctionnement interne ni ce changement de cap concernant le nucléaire. En effet, pouvait-on encore parler d’organisation antinucléaire lorsque, sous prétexte de lutte contre le réchauffement climatique, on abandonnait ce pourquoi on existait en signant un document compatible avec la stratégie sarkozyste pour qui le nucléaire était une énergie propre ? De plus, les anarchistes pensent que la critique du nucléaire ne se limite pas aux seuls aspects énergétique et climatique. Elle doit remettre en cause aussi bien l’armement nucléaire que l’organisation même de la Société, ses structures verticales et sécuritaires, aggravées dans le cadre d’une société nucléarisée.



Très affaibli et en proie à de graves difficultés financières, le réseau s’est alors replacé comme une composante du mouvement pour une transition énergétique et pour un soi-disant développement durable, nouveau nom, politiquement correct, du capitalisme. Cette stratégie lui a permis de se positionner sur le même terrain que le gouvernement et une partie des écologistes, pour rechercher des politiques acceptables par le système actuel.



Tout en condamnant ce qui s’était passé, un certain nombre de groupes étaient restés dans le réseau.  Lors de l’assemblée générale de février 2015, ils ont finalement obtenu l’élection de 6 membres du CA (sur 9) sur une position alternative. Ce nouveau CA a reconnu que l’AG de février 2010 avait  utilisé des accusations infondées et des méthodes inacceptables. Un compromis a été passé avec les 3 administrateurs révoqués et avec Stéphane Lhomme, qui ont retiré leurs plaintes.



Les anarchistes ne peuvent que se réjouir de ce retournement de situation. Pour le nucléaire, comme dans les autres domaines, ils soutiennent la coordination des luttes anti-nucléaires et l’organisation entre les structures de base qui les mènent. Mais organisation ne signifie pas centralisme et hiérarchie. Le fédéralisme permet justement de respecter la participation égalitaire de chacun dans les initiatives et les réflexions. La cohérence entre les moyens et les objectifs proclamés par une organisation est un témoignage fort de sa sincérité et de son efficacité.
La Fédération anarchiste espère que ce changement au sein du réseau sera durable et permettra un renforcement du mouvement anti-nucléaire.



Fédération anarchiste